Finlandaise de nationalité, luxembourgeoise de cœur, Anu Sistonen est active dans la création chorégraphique grand-ducale depuis l’an 2000. Elle repropose, ce mercredi à 20h au Grand Théâtre, sa dernière création chorégraphique, Mood(s). Et fait ses adieux à la création.
Comment est né ce Mood(s) ?
Anu Sistonen : J’avais envie de parler des humeurs, du changement d’humeur ! Des humeurs des gens, de tout un chacun. C’est quelque chose de très actuel pour moi, dans le sens où j’ai une fille adolescente. Ce n’est pas une pièce sur elle, hein, mais voilà, elle me fait voir que les changements d’humeur peuvent être forts, violents même. C’est quelque chose qui guide notre vie au quotidien; d’autant qu’il y a de petites choses dont nous faisons des montagnes et de grandes choses qui finalement ne nous touchent presque pas. Ce n’est pas qu’en lien avec l’adolescence. C’est vrai pour tout le monde. Mais bon, ça c’est l’idée de départ, l’inspiration. Après, il ne faut pas non plus que le public se focalise pendant tout le spectacle sur le fait de trouver à chaque moment de quelle humeur il s’agit.
Pourquoi ce titre alors ?
Parce que les humeurs, c’est le point de départ de la création. Mais après, quand je crée, je crée. Sans me limiter à la seule idée du début. Le sujet grandit, se développe pendant tout le processus de création. Il y a de petits tableaux qui rappellent ces humeurs, mais il n’y a pas que ça. Et puis, quand je commence à travailler sur un projet, je connais le but à atteindre, mais pas toujours le chemin pour y arriver. D’autant que les danseurs ont aussi leur mot à dire dans tout ça.
Vous avez annoncé que Mood(s) serait votre dernière création. Pourquoi cette décision ?
Oui, c’est important d’expliquer ça. Quand on fait une création, il y a le travail artistique, mais aussi tout le travail administratif. Le second me prend plus de 60% du temps. Mais moi, je suis artiste, danseuse, chorégraphe… je ne suis pas productrice ! Je ne suis pas intéressée par ce travail de bureau. Mon travail c’est de penser à des danses, d’être en salle de répétition avec les danseurs, de continuer le travail physique. J’ai de temps en temps quelqu’un qui m’aide pour tout cet aspect administratif, mais pas assez longtemps, et puis aussi, ce n’est pas quelque chose de suivi. Et si tu n’as pas quelqu’un qui est vraiment avec toi en continu, tu perds trop de temps à tout réexpliquer et tu finis souvent par faire les choses toi-même malgré tout. Les nouvelles générations sont plus formées à ce travail de production, à ce que ça implique la recherche de partenariats, de budgets, de salles… Moi, sincèrement, ça ne m’intéresse pas du tout. Je ne veux pas rester à la maison à remplir des dossiers !
Mais le Trois C-L, ce n’est pas justement là qu’il intervient ?
Si, il y a des soutiens. Mais la réalité est qu’il n’y a pas de personnes pour faire ce travail, il n’y a pas de structures de danse, de compagnies, de ballets… Et quand on fait une création, on n’a surtout pas assez de budget pour payer des personnes extérieures pour faire ça.
Mais en même temps, comment obtenir plus de budget si finalement la création est présentée deux fois à Esch, deux fois à Luxembourg et puis c’est tout ?
Ça fait partie du problème. Le Trois C-L travaille sur la diffusion de ces pièces, mais c’est encore tout récent. Il faut mettre l’accent là-dessus.
Vous êtes encore jeune, qu’allez-vous faire désormais ?
Je vais devoir chercher ma prochaine étape. Je suis toujours motivée pour faire des chorégraphies, mais il faudrait que ce soit dans des structures qui feraient le travail administratif. Et ça, malheureusement, ça n’existe pas au Luxembourg.
Entretien avec Pablo Chimienti