Lundi, lors du conseil Compétitivité, les ministres de l’Économie des 28 ont décidé de se doter d’un marché unique numérique harmonisé dans l’ensemble des 28 États membres. Cela passe par de nombreuses mesures et règlementations, dont celle de la fin du «géoblocage» en ligne. Une avancée jugée trop timide pour le Luxembourg, dont les résidents sont largement concernés par le e-commerce.
Les États membres de l’Union européenne se sont entendus lundi sur des règles visant à bannir le «géoblocage» dans le marché unique, une pratique permettant aux vendeurs en ligne de traiter différemment les consommateurs en fonction de leur nationalité ou de leur lieu de résidence.
« Quand vous entrez dans une boutique située dans un autre pays de l’UE, le propriétaire ne vous demande pas votre carte d’identité pour ajuster les prix ou refuser la vente sur la base de votre lieu de résidence », a commenté le commissaire européen au Marché numérique, Andrus Ansip. « Trop souvent, cela arrive dans le monde en ligne, empêchant les Européens de choisir le site sur lequel ils aimeraient acheter », a-t-il poursuivi.
Le texte approuvé hier par les 28, qui doit maintenant être discuté au Parlement européen, interdit aux vendeurs de rediriger automatiquement les internautes vers une version locale du site visité, avec des prix différents. Par ailleurs, les vendeurs n’auront plus le droit « d’appliquer des conditions de paiement différentes en raison de la nationalité ou du lieu de résidence » de l’acheteur, est-il précisé dans un communiqué.
Trois pays opposés au texte
Ils resteront en revanche libres de livrer ou non les produits dans les pays de leur choix, ce qui limite la portée du texte. À charge pour les clients de trouver un moyen de livraison si le vendeur refuse de leur acheminer le produit. En outre, de nombreux services sont exclus, comme les contenus audiovisuels ou encore ceux qui concernent les transports, la santé et la finance.
Trois pays, la Pologne, l’Autriche et surtout le Luxembourg (lire ci-dessous) , se sont opposés au texte, qui a été adopté à la majorité qualifiée.
Ces propositions « offrent peu de valeur ajoutée aux consommateurs », ont estimé dans une déclaration commune l’Autriche et le Luxembourg. «L’accès des consommateurs (…) ne va pas s’améliorer de manière significative et va probablement rester confiné à l’intérieur des frontières nationales.»
Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) a pour sa part « accueilli les progrès réalisés par les gouvernements de l’UE », mais regretté qu’ils « ne soient pas allés jusqu’au bout ». « Il n’y a pas de marché unique si les consommateurs sont empêchés d’acheter le produit ou le service de leur choix, tandis que les entreprises ont libre accès à un marché de 510 millions de personnes », a commenté sa directrice générale, Monique Goyens.
Le Quotidien
« Un échec ! », selon Etienne Schneider
Présent lors du conseil Compétitivité à Bruxelles, Étienne Schneider, ministre luxembourgeois de l’Économie, s’est exprimé en défaveur du texte accepté par une grande partie de ses homologues européens au sujet de la réglementation sur le «geoblocking», texte proposé par la Commission européenne et faisant partie d’un grand paquet de mesures visant à créer un véritable «marché intérieur numérique» en Europe.
Un texte qui concerne davantage les résidents luxembourgeois dans la mesure où ce sont les plus gros «e-consommateurs» transfrontaliers en Europe, puisque 68 % d’entre eux font leurs achats en ligne dans un autre État membre. De plus, comme le fait remarquer le ministre Étienne Schneider, «ce sont aussi les plus géobloqués en Europe, avec moins de 30 % des achats pouvant se conclure», du fait de l’impossibilité de livrer les produits au Luxembourg.
Un frein pour les PME
«Malgré son titre très prometteur, je ne vois pas les bénéfices que ce projet de règlement est censé apporter aux entreprises et aux consommateurs», a déclaré le vice-Premier ministre et ministre de l’Économie, après un long débat des 28 ministres de l’Économie. «Je qualifie le texte d’échec, car il semble créer plus de problèmes qu’il n’en résout», a dit Étienne Schneider. Expliquant sa position sur la proposition, le ministre a estimé qu’«il ne suffit pas d’obliger toutes les entreprises à vendre à tous les consommateurs européens pour que le marché intérieur numérique devienne soudainement opérationnel».
Étienne Schneider a ainsi souligné, peu après le Conseil, que «l’accord adopté par le Conseil ne s’attaque pas à la base du problème et maintient l’insécurité juridique pour les PME lorsqu’elles vendent dans d’autres États membres. C’est un frein très important pour les PME et les start-up. Le projet de règlement confirme la situation insatisfaisante qui existe déjà», a déploré le ministre.