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Ils ont construit une maison bio à Luxembourg [dossier]


Construire une maison bio, depuis la cave jusqu'au toit, sans exploser son budget, c'est possible! La preuve avec l'ASBL Akut, qui nous livre les détails d'un projet qui pourrait bientôt devenir la norme. (capture d'écran Akut / concepteur du projet : bureau Besch Da Costa Architectes)

Bâtir à Luxembourg une maison 100 % saine, de la cave au toit, et sans crever le budget ? C’est possible! Un documentaire revient sur ce projet hors du commun, qui pourrait bien devenir la norme.

Présenté à l’occasion des 25 ans de l’ASBL Akut, ce film réalisé par le biologiste Ralph Baden (dont nous avons sélectionné quelques extraits ci-dessous) prouve qu’avoir une maison saine n’est pas une utopie. Voici les principales étapes de la construction de cette maison «bio».

Le projet

De mars 2012 à octobre 2014, une maison a été construite à Luxembourg. Une maison confortable de 140 m², et au design très moderne, mais surtout biologique, donc 100  % saine.

Car on passe plus de 90  % de notre temps enfermé, chez nous, au travail, etc. « De ce fait, la qualité de l’air intérieur, c’est-à-dire l’absence de polluant émanant des matériaux de construction, l’absence de contamination par des moisissures, l’exposition réduite aux champs électromagnétiques, devient primordiale », rappelle Ralph Baden, expert de la division santé au travail au ministère de la Santé et vice-président de l’association Akut, qui vient de présenter ce film ( Construction biologique-habitation saine ), bientôt disponible à la vente.

À noter que cette maison est bio, mais pas passive. La construction d’une autre maison répondant à ces deux critères fait justement l’objet d’un autre documentaire de Ralph Baden, qui devrait sortir ultérieurement.

www.akut.lu

L’environnement

Les travaux de cette maison bio à Luxembourg débutent en mars 2012. Mais avant d’amener la pelleteuse, il faut accomplir une première étape  : analyser l’environnement autour du terrain à construire. Donc repérer les conduites électriques aériennes, les antennes GSM, bâtiments industriels ou agricoles, etc. Le futur bâtiment est orienté pour réduire leur impact.

De même, l’expert analyse les polluants invisibles  : les champs électriques de basses fréquences dues aux conduites électriques souterraines, le radon (gaz radioactif émanant de la terre), ou encore des anomalies éventuelles du champ magnétique terrestre.

Les fondations sont orientées en fonction des polluants extérieurs. (capture d'écran Akut)

Les fondations sont orientées en fonction des polluants extérieurs. (capture d’écran Akut)

Le gros œuvre

Deuxième étape, le chantier. Il débute par l’excavation. La construction proprement dite commence par une couche de sable qui permet l’écoulement des eaux de surface sous le bâtiment et évite la remontée d’humidité, qui pourrait créer des moisissures dans le bâtiment.

La dalle coulée ensuite se compose d’un ciment contrôlé pour qu’il ne comporte pas de potentiels déchets radioactifs de hauts-fourneaux.

Pour les murs, « on utilise une brique en argile, non nocive et régulant l’humidité. Et comme elle est poreuse, elle constitue un excellent isolant thermique », explique Ralph Baden, l’expert qui a supervisé la construction.

Le coffrage de la dalle en béton du rez-de-chaussée est fixé. L’huile de coffrage est exempte de matières nocives. L’isolation est renforcée aux endroits susceptibles de créer des ponts thermiques, favorisant donc des moisissures.

Et Ralph Baden ne laisse rien passer. Par exemple, des plaques d’isolants destinées au plafond du garage sont retournées à l’envoyeur. Motif  : « Elles comportaient une couche de styrène, qui est une substance cancérigène. Une fois appliquée au plafond, on ne la verrait plus, alors que le styrène contaminerait l’air ambiant. »

Quant aux fenêtres, elles sont fixées mécaniquement, comme jadis. Une « alternative à l’utilisation de mousse de polyuréthane toxique ». Le bâtiment est à présent fermé, et isolé de l’extérieur.

L’électricité

Vient ensuite l’installation électrique. Une question importante par rapport aux champs électriques et magnétiques, à l’origine de troubles de santé et de sommeil  : « Tout appareil électrique émet un champ magnétique, même lorsqu’il est en veille ou simplement branché. Ces champs se propagent sur toute la longueur des câbles électriques », rappelle Ralph Baden.

Une installation électrique biologique se compose de câbles en tresse, comme une tresse de cheveux, qui diminuent considérablement, grâce à des effets de compensation, l’exposition aux champs magnétiques. Même les boîtiers électriques dans les murs sont blindés, recouverts d’une peinture électro-conductible à base de graphite et reliés séparément à la terre.

La disposition des câbles dans la maison est faite de sorte que l’exposition aux champs magnétiques soit limitée dans les pièces à vivre. Dans le living, par exemple, aucun câble ne court sous le canapé! Enfin, des biorupteurs coupent le courant des appareils lorsqu’ils sont à l’arrêt.

Enduit, parquet…

L’enduit intérieur est à base de chaux. « La chaux peut influencer favorablement le climat intérieur, en absorbant et restituant l’humidité, avec une humidité de l’air toujours favorable. Avec un pH élevé, la chaux est naturellement fongicide et bactéricide. Et elle est antistatique, ce qui influence positivement les ions dans l’air. »

L’enduit extérieur, à base de chaux purement minérale, a lui l’avantage d’être hydrofuge et ouvert à la diffusion gazeuse (qui permet au bâtiment de «respirer»).

L'enduit à la chaux, un produit miracle! (capture d'écran Akut)

L’enduit à la chaux, un produit miracle! (capture d’écran Akut)

Pour la pose du parquet, « on évite un parquet collé, préférant un parquet massif cloué sur gîte, pour éviter l’usage de colle» .

Dans le salon, du grès est utilisé, « une pierre calcaire moins radioactive que certaines pierres volcaniques ». Les pierres sont posées directement sur un mortier pour éviter l’usage de colle. Le sol en pierre est lavé avec un simple savon noir, la vitrification étant « exclue à cause de ses substances nocives ».

Les joints latéraux des sols sont soit en silicone alimentaire, soit en acrylate, exempts de fongicide.

Dans la salle de bain, le carrelage, fixé avec une colle exempte de produits nocifs, se limite au lavabo et à la douche. Les autres surfaces sont enduites de chaux, qui régule toute seule l’humidité.

Pour les murs, pas de papier peint ou de peinture. On ajoute simplement des pigments blancs à la dernière couche de chaux, avant de l’appliquer au mur. « Ce qui économise du travail de peinture. » On peut évidemment varier le grainage et la coloration en rajoutant des pigments.

Les équipements

Les meubles de la cuisine sont en verre et aluminium, « deux matériaux chimiquement inertes et nettoyables sans produits nocifs ».

Les radiateurs plats ou tubulaires assurent un haut degré de rayon infrarouge en évitant, contrairement aux radiateurs à convection, la brûlure des poussières.

Les menuiseries (par exemple la bibliothèque) sont exclusivement en bois massif, fixées mécaniquement, et huilées et cirées. Les portes sont aussi en bois massif.

Les infrastructures techniques sont regroupées dans un petit local séparé de la maison, pour éviter les effets négatifs du caisson à fusible, la combustion du chauffage à gaz ou encore les bruits et vibrations.

Bilan

Les analyses réalisées à la fin de la construction sont formelles. Moisissure, champs électromagnétiques, radon, substances volatiles nocives dans l’air… Aucune anomalie n’a été constatée, les taux sont bien en dessous des normes, bref, la maison est intégralement saine! La chambre, par exemple, est carrément exempte de champs électromagnétiques.

Les heureux propriétaires de la maison (qui préfèrent rester anonymes) abondent  : « On est toujours ravi de rentrer dans la maison. On a une maison avec des matériaux sains, où on se sent à l’aise, où on arrive à respirer, avec une architecture qui nous plaît énormément, et pour un prix qui correspond à celui d’une maison classique de même grandeur .»

Les analyses l'attestent : la maison est parfaitement saine. (capture d'écran Akut)

Les analyses l’attestent : la maison est parfaitement saine. (capture d’écran Akut)

Romain Van Dyck

Combien ça coûte ?

Une maison bio, ça coûte plus cher que le non-bio, comme au supermarché? Non, répond Ralph Baden. Au final, le coût de la construction
de cette maison (dont nous avons eu connaissance, mais que les propriétaires ne souhaitent pas communiquer) est effectivement semblable aux prix du marché luxembourgeois : «Il n’a pas dépassé celui de la construction d’une maison classique, qui a pourtant parfois des matériaux en toc», se réjouissent les propriétaires.

Bien sûr, les services de conseiller biologiste de Ralph Baden ont un coût. Mais, assure-t-il, ils sont «négligeables par rapport à un assainissement ultérieur dû aux plaintes de santé» que pourraient subir les habitants d’une maison non bio…

Trois questions à Ralph Baden

490_0008_14692024_3Pourquoi construire bio?

Construire bio, c’est d’abord gagner en termes de santé puisque cela évite une exposition à des substances cancérigènes, à des perturbateurs endocriniens, à des substances irritant les yeux, le nez, les voies respiratoires, ou qui provoquent de l’asthme. À long terme, c’est donc également le système de santé publique qui est gagnant.

Et comme la construction passive est une construction étanche, avec un échange limité d’air via une ventilation mécanique, le bio deviendra encore plus important car les polluants à l’intérieur du bâtiment ne sont pas évacués et risquent de s’accumuler.

Est-ce plus cher et plus long ?

La durée de construction n’est pas affectée par le bio. De même, il est parfaitement possible de construire bio aux mêmes frais que le traditionnel,
si on s’y connaît un peu en matériaux de construction. En fait, le bio sera plus cher pour certains postes (radiateurs, parquets, fenêtres, bois massif…) et moins cher pour d’autres (gros oeuvre, travaux de peinture…) par rapport au traditionnel.

Quelles sont les aides ?

Les subsides pour des mesures énergétiques seront à l’avenir remplacés par des subsides pour critères de durabilité (matériaux écologiques, naturels, recyclables…).

Le critère de santé (donc la construction biologique) pourrait et devrait constituer un critère de durabilité supplémentaire.

Pour l’aide sur le terrain (matériaux à choisir, façon de construire, etc.), des discussions ont actuellement lieu avec les centres de formation des professionnels de la construction, à l’image de Neobuild et du IFSB (Institut de formation du secteur du bâtiment).

En 2017, tous au passif !

À partir du 1er janvier, toute nouvelle maison devra être passive au Grand-Duché.

Depuis un règlement grand-ducal en 2012, les exigences écologiques pour les modes de construction dans le bâtiment se corsent.

Le 1er  janvier 2015, le Luxembourg avait déjà franchi un cap important  : tous les immeubles devaient dès lors être construits dans la classe énergétique A (soit une efficacité énergétique de classe A et une isolation thermique de classe B).

À partir du 1 er janvier prochain, le Grand-Duché réalisera un nouveau bond en avant, avec des nouvelles constructions qui auront cette fois-ci l’obligation d’être passives (soit une classe A pour les deux volets précités). Une maison passive se caractérise par un climat intérieur très agréable, avec un besoin en chauffage minime.

Le climat intérieur est amélioré pour deux raisons : d’un côté, l’isolation permet de garder les murs au chaud et, de l’autre, la température des murs contribue à la sensation de chaleur ressentie par l’habitant.

Un autre atout est qu’une maison passive est une habitation sans courant d’air froid. L’oxygène est renouvelé en permanence et réchauffé par l’air qui sort. Évidemment, les habitants ont le droit d’ouvrir les fenêtres de leur maison, mais cela n’est plus indispensable, grâce au système de ventilation automatique. Les odeurs, les polluants intérieurs, l’humidité et l’air sont évacués de façon continue.

Un changement sonnant et trébuchant

Mais elle permet aussi d’économiser de l’argent  : ainsi, la consommation d’une maison passive est cinq à dix fois inférieure à celle d’une maison traditionnelle. Les nouvelles constructions passives bénéficieront de subventions, jusqu’au 31  décembre prochain, qui s’élèvent à 70  euros le mètre carré, mais pour un maximum de 150  m 2 . Un immeuble dépassant les 150  m 2 sera donc subventionné à 10  500 euros maximum.

Les différentes techniques pour générer l’énergie bénéficient aussi d’une subvention. Pour chaque type, il existe un taux fixe. Le subventionnement pour les constructions se terminera le 1 er  janvier 2017, puisque les nouvelles constructions devront obligatoirement être passives.

En ce qui concerne la rénovation de maisons anciennes, un règlement fixe des critères minimaux pour chaque type d’intervention et un taux fixe pour l’installation de nouvelles techniques.