Aux Red Boys, la communication entre Goran Vukcevic et ses joueurs n’était pas optimale. Lundi, elle s’est coupée, le club décidant de limoger l’entraîneur belge pour manque de résultats.
Lundi, 18h15, les joueurs arrivent au compte-goutte au centre sportif de Differdange où se tiendra, quelques minutes plus tard, le Gala sportif 2016 de la commune. À cet instant, comme convenu dans le courriel reçu quelques heures plus tôt, chacun prend la direction d’une petite salle située derrière le centre. Leur président John Scheuren, que nous n’avons pas réussi à joindre mardi, les y attend pour leur annoncer la décision du comité de limoger de son poste d’entraîneur Goran Vukcevic. Après sept journées de championnat, la Sales-Lentz League connaît donc sa première victime en la personne du technicien belgo-serbe.
20 mai 2015. Après une saison bien tristounette sous la houlette de Srdjan Skercevic, les Red Boys dévoilent le futur visage d’une équipe remaniée en profondeur. Son président d’alors, Gast Seil, annonce notamment les arrivées de Senjin Kratovic, Marin Knez (deux anciens de D2 française) et Sedin Zuzo (en provenance d’Esch). Des arrivées reflétant indéniablement les ambitions d’un club souhaitant, à l’occasion de son 75e anniversaire, renouer avec son glorieux passé. Ces arrivées contrastent avec la nomination au poste d’entraîneur de Goran Vukcevic dont le précédent passage (2007-2011) fut loin d’avoir marqué durablement les esprits. Le 21 mai 2016, un an presque jour pour jour après sa nomination, il conduit les Red Boys au sacre. Le premier depuis 17 ans!
Lundi donc, six mois jour pour jour après ce titre de champion, Goran Vukcevic est limogé. Joint mardi, le principal intéressé ne souhaite pas s’étendre sur le sujet et se refuse à montrer le moindre ressentiment : «Quand on est entraîneur, on est jugé sur ses résultats. Ce sont les résultats qui comptent et quand ils ne sont pas bons, on sait ce qui nous attend…» Cette lucidité lui avait-elle permis d’anticiper la décision de ses désormais ex-dirigeants après le revers subi, samedi à Käerjeng (32-21, 7e j.), le troisième en championnat après ceux enregistrés à Berchem (28-26, 6e j.) et Dudelange (30-27, 4e j.) ? Pas sûr…
Shabani, plus qu’un simple intérim ?
Se séparer d’un entraîneur pour trois matches perdus témoignerait, a priori, d’une certaine impatience. Or, les Red Boys n’ont pas pris cette décision dans un excès de précipitation. Au club, on souligne d’ailleurs que le bilan, sur les huit matches d’importance depuis le début de saison (4 de Coupe d’Europe et les 4 duels contre des membres du top 5 de Sales-Lentz League), se sont conclus sur sept revers.
De plus, Goran Vukcevic n’est jamais apparu comme la personne idoine pour diriger une équipe comptant dans ses rangs de forts caractères. Rapidement, après seulement quelques mois d’activité, son autorité est déjà mise à mal. À l’époque, un membre du club pointe du doigt le problème : «Goran est gentil, c’est un bon entraîneur, mais au niveau coaching, ce n’est pas ça…» S’il est fait référence, évidemment, à la faculté du technicien à peser par ses choix sur le cours d’une rencontre, il est également question de son relationnel avec un groupe au sein duquel il n’a que peu de relais sur le terrain. Le 27 février dernier, à la mi-temps de la finale de Coupe de Luxembourg perdue contre Käerjeng (31-30), le président descend lui-même dans le vestiaire… Quelques semaines plus tard, à mi-parcours lors du play-off titre, l’équipe compte déjà deux défaites, à Esch (27-21) et Käerjeng (30-29). Certaines voix réclament du changement et notamment le départ de Vukcevic. Décision que se refusent alors de prendre les dirigeants…
Le titre de champion, obtenu sur le fil et à la maison, ne fait pas oublier les difficultés traversées. Délicat néanmoins de remercier un technicien tout juste sacré champion… Dès lors, le club décide d’enrôler Agron Shabani comme adjoint. Traducteur de métier, l’ex-entraîneur de Berchem est, dit-on, en charge de faciliter le dialogue entre Vukcevic et ses joueurs. C’est que lorsque le premier parle, les seconds ont parfois du mal à suivre et perdent le fil comme lors de cette causerie d’avant-match, effectuée le 26 octobre dernier à Dudelange, et durant laquelle certains joueurs n’étaient pas loin, dit-on de piquer du nez… Bref, comme le veut la formule consacrée en ce genre de circonstance, le message ne passait plus.
Réputé pour son empathie et sa proximité avec les joueurs qu’il dirige, Agron Shabani devra, comme le stipule le communiqué de presse du club, «garantir l’intérim dans un premier temps jusqu’à fin décembre» avec pour mission de «redresser la barre avant les quatre prochaines rencontres, dont le quart de finale de Coupe de Luxembourg contre Dudelange». S’il y parvient, «Gony» se verra-t-il définitivement confier les rênes de l’équipe ? Pas impossible…
Charles Michel