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En Allemagne, la candidature de Merkel accueillie sans entrain


L'agenda a été arrêété au 12 janvier 2018 (Illustration : AFP)

La candidature d’Angela Merkel à un quatrième mandat de chancelière a été accueillie sans enthousiasme en Allemagne, et nombre de commentateurs soulignaient lundi sa difficulté, malgré sa popularité, à se renouveler face au défi populiste.

Une majorité d’Allemands — 55% — souhaitait qu’elle se représente, d’autant qu’aucun rival sérieux n’a émergé en onze ans de pouvoir, ce qui représente déjà la longévité politique la plus élevée parmi les dirigeants occidentaux.

«Merkel y va, qui d’autre?», résumait Die Welt en Une. Le sentiment dominant est celui d’une annonce sans surprise et d’un suspense limité mais, sur le fond, la réserve de la presse allemande contraste avec les attentes croissantes que la chancelière suscite à l’étranger, où elle est présentée comme le dernier rempart face au populisme et à Donald Trump.

Lapidaire, le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung estime même que «le zénith» de la dirigeante de 62 ans «est déjà passé» et que les chances qu’elle «se révèle en +Superwoman+ de l’Allemagne ou du monde occidental ne sont pas particulièrement élevées». Pourra-t-elle rallier les électeurs allemands et l’Europe à sa politique migratoire, tout en brisant la vague populiste ? Le quotidien populaire Bild juge, de son côté, que «ca fait beaucoup pour une seule personne».

Démocratie « atrophiée »

La chancelière a beau s’avancer en grande favorite, son parti est en perte de vitesse à l’approche des législatives prévues en septembre ou octobre 2017. Avec 33% des intentions de vote, la CDU est à neuf points de son score de 2013. Car si Angela Merkel a recentré son parti et rongé l’espace des sociaux-démocrates, elle a aussi déçu les conservateurs pur jus, ouvrant un boulevard idéologique aux populistes de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD).

Sa politique de la main tendue aux réfugiés, qui ont été 890 000 à gagner l’Allemagne l’an dernier, a divisé le pays et les «Merkel doit partir !» fusent depuis un an dans les meetings de l’AfD. «Sous Merkel, la démocratie en Allemagne s’est atrophiée et s’est changée en coalition de tous les partis», lançait lundi matin Alexander Gauland, transfuge de la CDU devenu l’un des dirigeants de l’AfD, en référence à la quasi-absence d’opposition au parlement, la chancelière gouvernant avec les sociaux-démocrates.

Or les populistes, crédités de 11 à 13% des intentions de vote, peuvent bouleverser le jeu électoral en compliquant considérablement la formation d’une majorité de gouvernement. Mme Merkel a d’ailleurs elle-même admis dimanche que les prochaines législatives s’annoncent comme «les plus difficiles» depuis «la Réunification allemande». Outre la droite populiste, la dirigeante allemande doit batailler contre le doute dans une partie de ses rangs, à commencer chez ses alliés bavarois de la CSU.

Quel discours ?

«Nous acceptons (sa candidature, ndlr), mais elle ne suscite pas l’euphorie», a lâché lundi Hans Peter Friedrich, figure de la CSU et ancien ministre de d’Angela Merkel. Enfin, conscients d’avoir été affaiblis par leur alliance avec Mme Merkel, certains sociaux-démocrates veulent entamer un virage à gauche et prônent une alliance avec la gauche radicale et les écologistes. «Prise en étau entre une possible alliance rouge-rouge-verte et les saillies droitières de l’AfD», Merkel doit désormais «se réinventer», estime Bild, jugeant qu’elle ne pourra se contenter de défendre son bilan.

Or le lyrisme électoral n’a jamais été le fort de la chancelière et ce n’est pas avec «de vagues promesses de réductions d’impôts et quelques sorties sur l’islam radical» qu’elle convaincra, prédit le Spiegel. «Quelqu’un a-t-il compris pourquoi Angela Merkel se représente et ce qu’elle compte faire de quatre ans supplémentaires au pouvoir ? Pas moi», assène Dirk Kurbjuweit, un éditorialiste de cet hebdomadaire.

Sa stature internationale n’est pas non plus une garantie, met en garde la Süddeutsche Zeitung, surtout si elle donne l’impression de négliger la politique intérieure. «In fine, les électeurs s’intéressent plus à l’emploi, aux écoles et à la sécurité physique et sociale chez eux, qu’au processus de paix en Afghanistan ou en Syrie», juge le quotidien.

Le Quotidien/afp