La Chambre de commerce ne cache pas sa déception à la lecture du projet de budget et de la programmation financière. Les prévisions de croissance du gouvernement la laissent dubitative.
La croissance ne sera pas au rendez-vous des 4,8 ou 4,9 %, craint la Chambre de commerce. L’impact de la réforme fiscale risque de créer des surprises et les investissements ne sont pas à la hauteur d’un Luxembourg à 1,1 million d’habitants en dépit des efforts du gouvernement.
«Copernic attend encore la vraie réforme qui doit porter son nom» : belle phrase d’attaque de la Chambre de commerce qui remettait vendredi son avis sur le projet de budget et qui n’annonçait donc aucune suite de louanges. Au contraire, les auteurs de l’avis livrent leurs déceptions, surprises et attentes. À défaut de pouvoir aviser un «budget nouvelle génération», la Chambre de commerce a donc épluché les documents contenus dans le projet et ne s’y retrouvent pas vraiment dans les considérations du gouvernement.
Le projet de budget et le projet de loi de programmation financière pluriannuelle livrent des scénarios de croissance que la chambre professionnelle juge «surprenants», sinon peu crédibles. Le ministère des Finances a prévu une croissance pour 2017 et 2018 de 4,6 et 4,9 % ce qui paraît bien optimiste pour les auteurs de l’avis, qui rappellent sournoisement que la prévision de croissance pour 2015 devait s’établir à 4,8 %, il y a un mois encore, et finalement elle «ne sera en définitive que de 3,5 % en 2015 et limitée à 3,1 % en 2016».
Alors d’où viendrait «ce sursaut»? La chambre patronale n’a pas pu en trouver l’origine, «la réforme fiscale ne pouvant expliquer, à elle seule, cette rupture de tendance, et une hausse des marchés boursiers en 2017 étant trop incertaine».
Le «Zukunftspak» (paquet d’avenir), n’a rempli que 60 % de ses objectifs et la réforme fiscale fera fondre les recettes, observent les auteurs d’un mauvais œil. Son impact n’est pas clair et a fait l’objet «d’estimations quelque peu contradictoires par diverses institutions», juge l’avis. Selon le gouvernement, l’impact budgétaire de la réforme serait de 373 millions d’euros en 2017, de 503 millions en 2018 et de 524 millions les années ultérieures.
La Chambre de commerce part du principe que si le coût effectif de la réforme était de l’ordre de 1,5 % du PIB, comme annoncé par la Banque centrale du Luxembourg, les impôts directs sur les personnes physiques seraient surestimés de quelque 340 millions d’euros par an en moyenne entre 2017 et 2020. Et si on note en plus une diminution de 1 % par an de la croissance de la base imposable en 2017 et 2018, «ce ne sont pas moins de 750 millions d’euros de recettes qui pourraient faire défaut à l’horizon 2020», calcule la Chambre de commerce.
Des investissements nécessaires
Dans le même temps, elle regrette que les investissements à venir ne soient pas à la hauteur du discours prédisant un Luxembourg à 1,1 million d’habitants. «Un tel scénario suppose en effet une augmentation marquée de la population (et corrélativement du nombre de frontaliers), non pas seulement à moyen terme, mais bel et bien dès à présent. Selon ce scénario démographique, 60 000 personnes s’ajouteraient à la population sur l’horizon 2017-2020 et 80 000 supplémentaires de 2021 à 2025. La Chambre de commerce insiste vivement sur la nécessité de préparer d’ores et déjà une telle mutation d’envergure, qui requiert des investissements substantiels et efficaces notamment dans le domaine des transports, de l’éducation, du logement et des télécommunications», note-t-elle tout en relevant les efforts menés par le gouvernement pour «façonner le Luxembourg de demain».
Concernant la soutenabilité de la Sécurité sociale, la Chambre de commerce relève que les surplus devraient laisser la place à «des déficits croissants à politique inchangée» eu égard au vieillissement de la population ou encore l’arrivée graduelle à l’âge de la retraite des importants contingents de travailleurs frontaliers embauchés au Luxembourg au cours des dernières décennies et à la baisse des revenus du patrimoine qui devraient alimenter en 2020 l’essentiel de l’excédent de la Sécurité sociale. «Les surplus de la Sécurité sociale s’affaibliront rapidement dans les dix années à venir», prédit ainsi la Chambre de commerce.
Mais elle note tout de même que ce budget traduit une volonté de viser une croissance qualitative en tenant compte de l’évolution favorable des investissements environnementaux et climatiques. Mais pour tout le reste, «il convient de faire se rencontrer la théorie et la pratique au plus vite», affirme la Chambre de commerce.
Le Quotidien