Depuis mardi, le curé suspendu de ses fonctions comparaît devant la 13e chambre criminelle. Il est poursuivi pour viol sur un mineur de 14 ans.
Il y avait du monde, mardi matin, dans la grande salle d’audience 1.10 pour l’ouverture du procès. Dans cette affaire, pas moins de quinze témoins sont cités. Les faits reprochés au prévenu, âgé aujourd’hui de 59 ans, remontent à début novembre 2008. À l’époque, il accompagnait un groupe de jeunes à Taizé en France.
« Ce n’est pas vrai.» C’étaient les mots du prévenu Emile A. lors de sa première prise de position à la barre, mardi matin. L’ancien curé de Belair conteste le viol : avoir fait faire une fellation au mineur de 14 ans avec qui il partageait une chambre lors du voyage à Taizé entre le 6 et le 8 novembre 2008.
Le quinquagénaire aura l’occasion de s’expliquer plus en détail lors du procès. Mardi au premier jour, la parole était avant tout à deux experts et l’enquêteur de la police judiciaire section protection de la jeunesse. Début juin 2014, le curé de Belair s’était lui-même dénoncé auprès de l’archevêché. À la suite de quoi l’enquête avait été ouverte.
Lors de son audition à la police judiciaire, la victime avait évoqué la fellation. «Tu n’as le droit d’en parler à personne», lui aurait dit le curé craignant de perdre son travail. Toujours selon l’adolescent, déjà avant le voyage à Taizé, Emile A. aurait essayé de le prendre par la main.
Dans son audition, l’homme d’Église avait, quant à lui, attribué l’initiative à l’adolescent. Il se rappelait uniquement des attouchements réciproques. À la question de savoir s’il y avait eu fellation, il avait indiqué ne plus se souvenir. «Je peux difficilement m’imaginer que l’adolescent de 14 ans l’ait aguiché», a considéré, hier devant la chambre criminelle l’enquêteur avant de remarquer que dans ce genre de dossier, les prévenus repoussent souvent la faute aux adolescents.
À l’expert en psychiatrie qu’il a rencontré à trois reprises, le prévenu avait également confié que l’adolescent lui avait fait des avances, auxquelles il aurait cédé à cause d’une pulsion sexuelle. Mais la situation n’aurait été nullement préparée. «Il reconnaît le contexte librement consenti avec le mineur lors du voyage à Taizé. Il nie toute fellation. Mais il ne se souvient plus si l’adolescent lui en a fait une», résume l’expert.
Dans son rapport, il est revenu sur le parcours de l’homme d’Église. Après des études, il avait été ordonné prêtre. Pendant dix ans, il avait été curé à Alzingen avant de passer à la paroisse de Belair. Jusqu’à ce qu’il soit suspendu en 2014 de ses fonctions en attendant le jugement.
«Des déclarations cohérentes et crédibles»
Sur le plan psychiatrique, l’expert ne décèle aucun trouble de personnalité : «Il est totalement responsable de ses actes.» Selon lui, le sentiment de culpabilité d’Emile A. apparaît authentique. «On ne peut pas le considérer comme pédophile. Mais cela reste un comportement pervers sur mineur», conclut-il.
Le deuxième expert chargé dans ce dossier s’est penché sur la crédibilité des dépositions de l’adolescent. «Ses déclarations sont cohérentes et spontanées. Elles sont crédibles», estime-t-il. À l’expert, l’adolescent avait confié que l’initiative venait bien du curé. Il ne se serait pas défendu. Et les abus auraient eu lieu à trois reprises quand il partageait sa chambre pendant deux nuits avec lui à Taizé.
Toujours selon le témoin, dans un premier temps, le jeune âgé à l’époque de 14 ans n’en avait parlé à personne. Il était resté enfant de chœur jusqu’à sa confirmation, mais il n’y aurait pas eu d’autre acte sexuel. «Il a essayé de refouler. La première fois qu’il en a parlé, c’était à son meilleur ami. Puis il s’était adressé aussi au curé.» Finalement, il s’était confié à son père qui avait été rencontrer l’homme d’Église au printemps 2014. La suite est connue.
Le quinquagénaire s’était dénoncé lui-même et l’enquête avait été ouverte. À noter que seul le viol est aujourd’hui reproché au curé suspendu. Car les attentats à la pudeur que le prévenu Emile A. reconnaît en partie sont prescrits.
Le procès se poursuit ce mercredi après-midi avec l’audition de la victime et la reproduction audiovisuelle de ses dépositions devant la police judiciaire. Il est fort probable qu’une partie de l’audience se fasse donc à huis clos. Mardi, l’avocat de la partie civile, Me Albert Rodesch, a réclamé un euro symbolique pour le préjudice subi.
Fabienne Armborst