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Une chance à saisir

Les cris d’orfraie et les scénarios d’apocalypse des journalistes et des hommes politiques en Europe après l’élection de Donald Trump aux États-Unis sont à prendre avec des pincettes. Non, les 510 millions d’Européens ne vont pas être plongés dans l’abîme – il faut savoir raison garder.

Si l’arrivée à la Maison-Blanche du milliardaire est un mauvais signal politique, elle pourrait en fait représenter une chance à saisir pour l’Union européenne. Il s’agit même pour elle d’une opportunité historique : celle de s’affranchir de la tutelle américaine, comme un dominion s’affranchissant de l’Empire britannique. Il faut le reconnaître, l’UE n’a quasiment aucune indépendance diplomatique, militaire et économique vis-à-vis de Washington. Elle a renoncé à être une puissance pour se contenter d’être un vulgaire marché.

L’UE a confié sa protection à l’Oncle Sam (les États-Unis contribuent à 70 % au budget de l’OTAN). Elle a fait sienne sa doctrine militaire, qui mêle confiance aveugle dans la technologie et naïveté de croire que l’on peut gagner une guerre sur le champ de bataille. Diplomatiquement, l’UE a fait de la Russie le mal absolu, tout en étant alliée de l’Arabie saoudite.

Économiquement, la Commission européenne a imposé méthodiquement le néolibéralisme de Ronald Reagan, Milton Friedman et Wall Street, aboutissant à ce que l’UE devienne l’union économique la plus libérale du monde, bien loin devant la maison mère américaine.

Depuis le 8 novembre, les dirigeants européens semblent commencer à comprendre que tout ce qui vient des États-Unis n’est pas nécessairement bon pour nous. Par contre, s’il est un registre sur lequel ils seraient avisés de faire profil bas, c’est bien celui des valeurs. Avec la condescendance habituelle de «l’intelligente et raffinée» Europe vis-à-vis de la «frustre» Amérique, les dirigeants d’Europe de l’Ouest multiplient les sorties sur la sauvegarde de la démocratie et le respect de l’État de droit. Mais Donald Trump ne sera pas au pouvoir avant le 20 janvier. Viktor Orban en Hongrie et Jaroslaw Kaczynski en Pologne le sont déjà.

Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)