« Hacksaw Ridge » (Mel Gibson) : un film de guerre qui fait débat

Dix ans après Apocalypto, l’Américain Mel Gibson est de retour derrière la caméra pour Hacksaw Ridge (« Tu ne tueras point » en français). Un film de guerre qui fait débat, et c’est peu dire!

Et voici le film qui, cette année, alimentera certainement le plus les débats… Son titre : Hacksaw Ridge . Son réalisateur : Mel Gibson. D’un côté, il y a ceux qui crient au génie; de l’autre, ceux qui ont vu l’obscénité… À 60 ans, pour son retour derrière la caméra, Gibson s’est inspiré de l’histoire vraie d’un objecteur de conscience pendant la Seconde Guerre mondiale, et prouve une nouvelle fois que, selon lui, il n’y a de héros que martyrisé.

Lui, le fervent catholique, ex-superstar à Hollywood avant d’y être traité comme un paria pour propos antisémites, s’est longuement expliqué sur ce constat  : « J’ai voulu mettre en lumière ce que cela signifie pour un homme de conviction et de foi de se retrouver dans une situation infernale… et, au milieu de ce cauchemar, cet homme est en mesure d’approfondir sa spiritualité et d’accomplir quelque chose de plus grand… »

Il a complété, interrogé sur sa propre foi  : « Je suis imparfait, je suis un mauvais pratiquant. Je pourrais, je devrais retenir quelques leçons de la vie de Doss. » Desmond T. Doss, cet homme qui s’était engagé dans l’armée américaine, déterminé à sauver des vies sur la ligne de front en tant que médecin mais refusant, par conviction, de porter une arme à feu. Pour son retour derrière la caméra (son précédent film en tant que réalisateur, Apocalypto , remonte à 2006), Mel Gibson a fait murir le projet pendant quatorze ans.

Morceaux d’intestin et de boîte crânienne

Souvenir du producteur Bill Mechanic : « J’ai envoyé le scénario de Hacksaw Ridge à Mel en 2002, puis en 2010 et enfin en 2014. Cette année-là, il l’a lu d’une traite et dès le lendemain matin, il acceptait de prendre les rênes du film… » Un film qui sera présenté à la Mostra de Venise où il fut applaudi pendant plus de dix minutes! Mais, une fois encore, cette histoire d’un jeune Américain embarqué dans la guerre mais qui ne voulait pas combattre mise en images par Mel Gibson fait débat.

Non pas pour le respect (ou non) de la véracité des faits – là, avec ses deux scénaristes (Robert Schenkkan et Andrew Knight), il fait le boulot, et plutôt pas trop mal. Mais, cette fois encore avec ce long métrage de guerre, le réalisateur filme les noces barbares en les lardant d’un message religieux et en donnant la sensation de prendre plaisir au spectacle de la violence. Et sur l’écran, transpire cette fascination de Mel Gibson pour la souffrance physique – et pas seulement celle du personnage principal. Le réalisateur ne lésine pas sur les moyens, comme pour insister sur le fait que la guerre, c’est vraiment horrible : ainsi, malgré un budget « très limité » (dixit Gibson), on a droit aux images de morceaux d’intestin ou de boîte crânienne, de corps brûlés au lance-flammes… À la vue de Hacksaw Ridge , certains vont pointer l’obscénité des images tandis que d’autres relèveront les images «sulpiciennes» grandement téléphonées – avec, par exemple, sur un brancard voguant dans les airs, un blessé qui lève son visage vers le soleil…

Et quand s’achève Hacksaw Ridg e, on se plaît à penser à Desmond Doss, premier objecteur de conscience récompensé par la Médaille d’honneur du Congrès américain pour avoir sauvé soixante-quinze soldats à Okinawa sans jamais tenir une arme. Et au film qu’un réalisateur tout en nuances et sans penchant pour l’outrance et la violence extrême aurait, avec le même scénario, pu tourner…

Serge Bressan

Hacksaw Ridge , de Mel Gibson (États-Unis, 2h11) avec Andrew Garfield, Vince Vaughn, Teresa Palmer…