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Racisme en ligne : la justice allemande s’intéresse au patron de Facebook


La version classique de Messenger revendique plus d'un milliard d'utilisateurs. (photo: AFP)

La justice allemande a annoncé lundi l’ouverture d’une enquête visant le patron de Facebook après le dépôt d’une plainte pour « incitation à la haine », alors que le réseau social est régulièrement accusé en Allemagne d’être trop tolérant vis-à-vis des contenus racistes.

Si selon le parquet de Munich l’enquête en est à un stade préliminaire, visant à établir « si un agissement pénalement répréhensible peut être identifié » et si « le droit allemand peut s’appliquer », c’est la première fois que la justice allemande accepte d’examiner une telle plainte.

Il s’agit pour le procureur d’examiner le bien-fondé d’une éventuelle poursuite pour « incitation à la haine » visant le patron de Facebook Mark Zuckerberg et neuf autres responsables du géant d’internet – le droit allemand ne prévoyant pas la poursuite de personnes morales, mais seulement de leurs dirigeants.

C’est un avocat allemand basé en Bavière, Chan-jo Jun, qui s’est spécialisé dans ce type d’affaires, qui est à l’origine de la plainte. « L’ouverture de l’enquête est une importante victoire d’étape car la dernière procédure engagée avait échoué à cette étape », a commenté Me Jun qui avait annoncé vendredi la décision à venir du parquet de lancer une enquête.

En mars dernier, le parquet de Hambourg avait rejeté une plainte similaire du même avocat estimant que les dirigeants de Facebook ne tombaient pas sous le coup de la législation allemande.

Facebook n’a pas souhaité commenter la nouvelle procédure judiciaire, et souligné que des plaintes de Me Jun ont été « rejetées de manière répétées par la passé ». Ses accusations « n’ont pas de fondement et il n’y a eu aucune violation de la législation allemande. Il n’y a pas de place pour la haine sur Facebook », a indiqué le réseau social.

Depuis des mois, les critiques contre Facebook ont gagné en vigueur en Allemagne. Le gouvernement a déjà à plusieurs reprises mis en garde l’entreprise de Mark Zuckerberg et d’autres réseaux sociaux en leur reprochant de se montrer trop tolérants vis-à-vis des utilisateurs exprimant de positions racistes, antisémites et des appels au meurtre.

Ce type de publications a explosé avec la crise migratoire de 2015 qui a vu arriver quelque 900.000 demandeurs d’asile dans le pays. Or l’Allemagne se veut particulièrement ferme sur les contenus racistes, notamment du fait de son passé nazi.

Épée de Damoclès

Le mois dernier, un haut responsable du parti de la chancelière Angela Merkel, Volker Kauder, a menacé les réseaux sociaux, Facebook en tête, d’instaurer un système d’amendes si les contenus signalés n’étaient pas supprimés assez rapidement. Il a avancé la somme de 50.000 euros par publication incriminée.

Le ministre de la Justice, le social-démocrate Heiko Maas, qui depuis un an négocie régulièrement sur ce thème avec les dirigeants de réseaux sociaux, a aussi jugé que Facebook et consorts pourraient être punis s’ils ne se pliaient pas aux demandes allemandes. « Si les contenus pénalement répréhensibles ne sont pas effacés de manière plus conséquente, nous allons devoir réfléchir à engager la responsabilité de Facebook et de Twitter », a-t-il dit au quotidien Handelsblatt.

« Cette épée de Damoclès est au-dessus des têtes des réseaux sociaux », a-t-il ajouté, tout en notant qu’il leur laissait « encore le temps » d’agir. « Pour la première fois il y a une volonté politique d’adopter des sanctions contre Facebook », a estimé l’avocat à l’origine de la plainte. Des géants du web dont Facebook s’étaient engagés en décembre 2015 à examiner et supprimer dans un délai de 24 heures les commentaires haineux qui se répandent en ligne en Allemagne, notamment à la suite de l’afflux de 890.000 migrants cette année-là, particulièrement visés sur les réseaux sociaux.

Mais selon les autorités, les efforts de ces sites ne sont pas suffisants. Facebook assure à l’inverse faire tout son possible, mais a insisté sur la difficulté d’accomplir cette mission, notamment pour différencier ce qui est pénalement répréhensible et ce qui ne l’est pas au nom de la liberté d’expression.

Le Quotidien / AFP