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Editorial – D’autres chats à fesser

Le Conseil de l’Europe s’apprête, demain, à condamner la France pour ne pas interdire formellement la fessée dans la loi.

Pas celle que certains adultes s’infligent par « plaisir », façon Cinquante nuances de Grey, mais celle qui vise à punir les enfants.

Statuant sur la plainte d’une ONG anglaise, l’organisme de défense des droits de l’homme reproche au droit français de ne pas prévoir « d’interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels ».

En France, un « droit de correction » est en effet toléré au sein de la famille (mais pas à l’école), à condition évidemment que cette correction soit légère et qu’elle ait un but éducatif. Au sein du Conseil de l’Europe, 27 des 47 pays ont adopté cette prohibition en toutes circonstances.

La Suède, adepte de la « parentalité positive », l’a fait dès 1979, l’Allemagne en 2000, le Portugal en 2007, le Luxembourg en 2008. La Belgique, le Royaume-Uni, l’Irlande et la Russie restent avec la France parmi les plus rétifs à légiférer. La ministre française chargée de la Famille plaide plutôt pour une « réflexion collective » autour d’une éducation sans violence et argue que « les prises de conscience de la société ne se règlent pas à coups de code pénal », celui-ci punissant déjà les parents maltraitants. On aurait tendance à la rejoindre.

Au Luxembourg, a-t-il fallu attendre la loi pour voir chuter le nombre de déculottées ? À trop user du droit pour « sécuriser » le moindre geste, soit on tape dans le vide, soit on encourage la paranoïa et la suspicion là où la confiance doit rester la première valeur. « Je n’ai pas envie de couper le pays en deux camps, ceux qui sont pour la fessée et ceux qui sont contre », poursuit la ministre française.

Certes. Alors que certains pays, comme l’Arabie saoudite, en sont encore à fouetter des blogueurs en place publique, la France a sans doute d’autres chats à fouetter que de réveiller inutilement un débat des années 50. Pas sûr pourtant que le pays puisse faire de la résistance plus longtemps, car la décision du Conseil de l’Europe ouvre la voie à une condamnation, contraignante cette fois, de la Cour européenne des droits de l’homme. La France attendra-t-elle cette fessée avant d’agir ?

De notre journaliste Sylvain Amiotte


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