C’est à 14h38, lundi, que les Islandaises ont symboliquement arrêté le travail. Car c’est pile à cette heure-là qu’elles continuent de travailler pour rien (au cours d’une journée de travail de huit heures), car elles gagnent encore 18 % de moins que les hommes. Cela faisait plus de 40 ans que les femmes de ce petit pays n’étaient pas descendues dans la rue. En 1975, elles avaient décidé d’arrêter toutes leurs activités, au travail ou à la maison, afin de prouver que sans elles le pays ne pouvait pas fonctionner. Cette action coup-de-poing a été efficace : le pays est depuis lors un pionnier en matière d’égalité des genres. Et pourtant les Islandaises n’en ont pas assez.
Le Forum économique mondial a publié au même moment un rapport expliquant que les efforts en faveur de la réduction des inégalités salariales entre les sexes se sont considérablement réduits ces dernières années, à tel point que les femmes ne pourront pas espérer atteindre les mêmes niveaux de revenus que les hommes avant 170 ans. On était loin du compte, et le but s’éloigne encore, presque inexorablement.
C’est long, 170 ans, pour arriver à l’égalité. Très long. Les efforts se sont relâchés sûrement parce qu’il y a toujours quelqu’un pour dire que dans les textes les femmes ont accès aux mêmes droits que les hommes, alors, d’une certaine façon, ces inégalités persistantes doivent forcément être de leur fait…
Les Islandaises ont pourtant démontré que sans la moitié de la population, un pays ne pouvait tout simplement pas fonctionner. Les Polonaises ont adopté ce même modèle il y a quelques semaines pour protester contre un projet de loi voulant abolir totalement l’accès à l’avortement. Quelquefois, battre le pavé a du bon. L’Islande est un tout petit pays, mais le principe est le même partout. Les femmes représentent la moitié de la population partout ailleurs, même s’il leur est difficile d’accéder aux responsabilités politiques ou économiques. Il n’empêche. Les Islandaises ont montré la voie pour plus d’égalité. Il est temps de passer à la vitesse supérieure.
Audrey Somnard