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Editorial – On arrête le progrès ?

Débat télévisé. Ça chauffe entre deux penseurs des temps modernes qui s’écharpent sur les solutions pour sauver le Vieux Continent : austérité, troïka, libéralisme, bourses et marchés, ou bien sobriété, autodétermination des peuples, socialisme et régulation des banques ?

Face à ces derniers arguments, l’apôtre de l’orthodoxie économique, agacé, abat alors son joker : « Mais enfin, écoutez, on ne va pas tout de même retourner en arrière ! » Imparable. L’altermondialiste se retrouve tout penaud. Que peut-il face à cette formule magique, tant elle est miraculeuse pour faire taire les « arriérés » qui blasphèment la religion du progrès ?

Pourtant, regardons dans le rétroviseur, jusqu’aux trente glorieuses. L’économie, du point de vue actuel, avait alors tout pour être l’enfer sur terre : protectionnisme, encadrement des mouvements de capitaux, contrôle des changes, nationalisations… Et il y avait une croissance à 5%, le plein emploi, une extrême droite insignifiante ! Bref, certains mots, comme le progrès, sont à manier avec prudence, tant ils sont chargés idéologiquement.

Imaginons que demain, le néolibéralisme monte d’un cran et supprime la sécurité sociale ou l’école obligatoire. Si des voix s’élèvent et protestent, faudra-t-il leur objecter qu’elles sont passéistes, qu’il ne faut pas revenir en arrière ?

Autre exemple, faut-il taxer de réactionnaires les villes (plus de 180 dans 35 pays) qui ont remunicipalisé la distribution de l’eau potable, après que la privatisation eut laissé les infrastructures aller à vau-l’eau et les prix grimper ?

Comme le résume l’écrivain Umberto Eco, il existe deux façons de penser le progrès. L’une est que tout ce qui vient après est meilleur que ce qui existait avant. Une définition facilement démontable : lisez un livre d’histoire. L’autre est qu’on ne revient jamais en arrière, et lorsqu’on regarde vers le passé, c’est donc pour le repenser de façon à produire quelque chose de nouveau.

Et si c’était ça, le progrès ? Non pas en finir avec la finance, l’Union européenne, le libéralisme ou la société de consommation, mais les penser différemment ? Sans faire table rase du présent, mais en apprenant de nos erreurs…

De notre journaliste Romain Van Dyck


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