Le marchand d’art suisse Yves Bouvier a été mis en examen samedi à Monaco pour « escroqueries » à l’encontre de sociétés du président russe de l’AS Monaco Dmitry Rybolovlev.
Le président russe de l’AS Monaco Dmitry Rybolovlev le 16 septembre 2014 à Monaco. (Photo : AFP)
L’homme d’affaires suisse, connu dans le monde de l’art, a également été mis en examen du chef de « complicité de blanchiment », selon une source proche du dossier. Placé sous contrôle judiciaire, il pourra toutefois s’acquitter de la caution de manière « échelonnée », ont précisé ses avocats. Une complice présumée résidant à Monaco, une amie suisse de la famille du milliardaire Rybolovlev, a pour sa part été mise en examen pour « blanchiment » et placée sous contrôle judiciaire.
Selon un connaisseur du dossier, Yves Bouvier est soupçonné d’avoir établi «des documents mensongers» lors de ventes de tableaux de maîtres à la famille Rybolovlev. Il aurait ainsi revu à la hausse le prix réel demandé par le vendeur d’un tableau (souvent représenté par une société offshore), en empochant la différence sans que la famille Rybolovlev le sache au moment de l’achat. M. Bouvier touchait officiellement une commission de 2% pour son travail d’intermédiaire.
> Un divorce hors norme
Sa complice suisse est soupçonnée d’avoir perçu des commissions secrètes versées par Yves Bouvier à l’occasion d’achats de plusieurs tableaux par des sociétés appartenant au milliardaire russe. Les avocats d’Yves Bouvier ont souligné samedi dans un communiqué que leur client a été «laissé libre» et non placé en détention provisoire, à l’issue de sa garde à vue entamée mercredi matin.
« Nous faisons confiance aux autorités monégasques pour mener à terme avec succès cette procédure », a pour sa part commenté Tetiana Bersheda, avocate de sociétés liées à la famille Rybolovlev, qui ont déposé plainte à Monaco. Elle indique avoir connaissance « d’autres victimes d’agissements similaires d’Yves Bouvier » et étudie l’ouverture de « procédures parallèles ».
L’avocate avait précisé cette semaine que le marchand suisse avait travaillé « pendant plus de dix ans » avec la famille russe. Yves Bouvier est soupçonné de leur avoir vendu de manière frauduleuse des dizaines de tableaux de grands maîtres (Picasso, Modigliani, Gauguin, Degas, Léonard de Vinci), a indiqué cette semaine le parquet de Monaco, qui n’a pas souhaité s’exprimer samedi.
M. Bouvier est pdg de Natural Le Coultre, société familiale suisse spécialisée dans l’entreposage et les services pour œuvres d’art. Il est aussi un grand locataire des Ports francs genevois (de vastes entrepôts en zone franche non taxée), un modèle d’affaires qu’il a transposé au Luxembourg et à Singapour. En France, il finance entièrement un projet de « micro-ville artistique » sur l’île Seguin (Boulogne-Billancourt), près de Paris. Jeudi soir les avocats du marchand d’art avaient laissé entendre que l’affaire pouvait être liée au fracassant divorce de l’oligarque.
« Sous couvert de trusts chypriotes ou de sociétés étrangères, M. Rybolovlev se réclame à Monaco de la propriété de tableaux, propriété que, pour les besoins de son divorce, il conteste pourtant devant les juridictions genevoises. Il allègue à propos de leur vente, conclue en bonne et due forme, des manœuvres imaginaires qui résultent de l’évaluation unilatérale et hautement contestable qu’il en propose », avaient-ils attaqué.
Le Russe a défrayé la chronique à l’occasion de son divorce, jugé le 13 mai 2014 à Genève, avec Elena Rybolovlev. Celle-ci a obtenu 4 milliards de francs suisses (3,295 milliards d’euros), soit la moitié de la fortune du milliardaire, selon la presse suisse. Mais la saga de ce divorce hors norme est loin d’être close. Une partie de la fortune de M. Rybolovlev a été transférée dans des trusts hors de Suisse, notamment à Chypre, avant que son épouse ne l’attaque en justice. Le milliardaire a fait fortune dans la potasse, en vendant Uralkali, l’un des plus grands fabricants de potassium au monde. Ce grand amateur d’art et d’immobilier de prestige s’est installé en 2011 à Monaco, où il a pris le contrôle de l’AS Monaco.
AFP