Oui, adieu l’oseille, adieu la fraîche, le pèze, le flouze, la maille… Le monde moderne ne veut plus s’encanailler avec l’argent liquide, cette caillasse qui alourdit notre portefeuille, et ces biffetons se dispersant aux vents mauvais…
La disparition du cash n’a rien de farfelu. Elle est une réalité, propulsée par l’incontournable carte bancaire, et amplifiée par les nouvelles technologies, notamment le paiement sans contact.
Résultat, les paiements dématérialisés progressent à toute berzingue : l’an passé, Capgemini et RBS publiaient un rapport faisant état, dans le monde, de 389,7 milliards de transactions hors cash (+9 % en un an). En Chine, elles progressent à un rythme de 40 % par an. Du côté de chez nous, les pays scandinaves mènent la danse. En Suède, des magasins refusent carrément le paiement liquide, et des banques n’en distribuent plus. La Norvège, elle, vise officiellement la disparition totale du cash dès 2020.
Faut-il s’en inquiéter? Les anticash ne manquent pas d’arguments : la production de billets et de pièces coûte cher, comme les infrastructures de distribution. Et les gros billets sentent le soufre : franchement, qui regrettera ceux de 500 euros, hormis les fripouilles?
Mais les risques ne sont pas négligeables. Sans cash, l’argent devient virtuel, impalpable, aggravant un sentiment de dépossession. Pour doper la consommation, des banques et des États pourraient par exemple forcer les ménages à dépenser leur épargne avec des taux d’intérêt négatifs. Plus compliqué à faire avec des bas de laine cachés sous le lit…
Ne soyons pas dupes, la disparition du cash permettra surtout à nos États de scruter la moindre de nos transactions. Y compris l’argent de poche, la cagnotte du vide-grenier et autres transactions qui échappent à leurs radars.
Or les espèces restent un garde-fou contre cette ingérence excessive des États et des banques, que la lutte contre le blanchiment, l’évasion fiscale et le financement du terrorisme ne suffit pas à justifier. Car on peut douter que cette finance de l’ombre disparaisse en même temps que les ronds, galettes et autres pépètes…
Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)