Trois anciennes collaboratrices de Lorraine Airport ont saisi le procureur de la République de Metz pour dénoncer des faits de harcèlement. « Cette fois, on ne joue plus. C’est une cabale », réagit la directrice, visée par les plaintes.
Les festivités des vingt-cinq ans tout juste terminées, les tensions sociales rattrapent la direction de Lorraine Airport. Il y a huit mois, des syndicats dressaient déjà un tableau peu reluisant du climat au sein de la structure publique. En réaction, les décideurs et élus de la Région avaient critiqué une forme de « chantage ». Aujourd’hui, il n’est plus question de syndicats. Mais de femmes, anciennes collaboratrices, qui décrivent dans des plaintes détaillées le « calvaire » enduré pendant des mois. Les écrits se trouvent depuis quelques jours sur le bureau du procureur de la République de Metz.
Ces trois plaintes pour harcèlement sont une sorte de délivrance de leurs souffrances. « Les récits de mes clientes font apparaître des propos ou comportements répétés qui ont sérieusement dégradé leurs conditions de travail et porté atteinte à la fois à leur dignité et à leur santé mentale. Elles sont détruites sur le plan psychologique, encore aujourd’hui alors même qu’elles ont quitté cet établissement. Nous venons d’engager plusieurs procédures judiciaires afin de faire reconnaître leurs préjudices », confirme Me Mehdi Adjemi.
Rapport de l’inspection du travail attendu
« Il m’a fallu du temps pour pouvoir lancer cette procédure… », observe une ancienne cadre. Heike Durand – elle est la seule à accepter de parler à visage découvert – a travaillé dix ans à Luxair avant d’atterrir en 2012 à l’aéroport mosellan. Elle en est partie en mai 2015 sous anxiolytiques et en dépression. Incapable même de voir le panneau fléchant l’aéroport sans subir une crise d’angoisse. Entre les deux moments ? « J’ai vécu une dévalorisation quotidienne de mon travail. »
Comme des réunions de service où elle était invitée et où elle fut renvoyée illico presto par la directrice des lieux qui lui aurait lancé : « Cette réunion est destinée aux cadres et donc à des personnes d’un certain niveau. Vous comprendrez que votre place n’est pas ici. » Dur à avaler…
Les plaintes pénales visent l’aéroport et sa directrice, Françoise Herment. Celle-ci découvre la procédure et les faits reprochés. Elle conteste. « Lorsque j’ai découvert, par la presse d’ailleurs, qu’il y aurait du personnel en souffrance, j’ai demandé qu’il se rapproche du CHSCT. Et j’ai également lancé un audit externe. Il devrait être achevé en décembre. Mais à ma connaissance, il n’y a pas eu de remontée de problèmes. »
Un syndicaliste ricane : « Mais c’est normal ! Personne n’a envie de parler à une société payée par la directrice. » Les langues se seraient en revanche déliées devant l’inspection du travail. Son rapport doit tomber dans les prochains jours.
« Plainte contre un système »
La seule concession de la directrice est un « nombre important d’arrêts maladie. Mais j’en ignore les raisons. Je n’ai pas été saisie d’une problématique particulière. Mais là, on parle de plaintes pénales. Cette fois, on ne joue plus… » Devant les mots « humiliations, attaques quotidiennes, dénigrement » lâchés par les trois victimes, exemples à l’appui, Françoise Herment répond « cabale ».
Les trois femmes n’ont à opposer à cette justification que leurs « souffrances. Je n’ai plus confiance en moi. J’ai perdu toute estime, je suis incapable de retravailler », confie une ancienne administrative. La troisième plaignante, qui est « la première à avoir subi les foudres », selon les témoins, confie « sa difficulté à se reconstruire. Si j’ai porté plainte, c’est contre cette personne mais aussi contre un système. »
Kevin Grethen (Le Républicain Lorrain)