Les unes revisitent le jean, l’autre explore l’élégance: des créatrices de mode saoudiennes bousculent les codes vestimentaires de leur pays ultraconservateur et brillent à l’Arab Fashion Week de Dubaï.
« Je veux voir les femmes porter nos vêtements, être indépendantes et parler librement », proclame Leen Shieshakly, jeune styliste de 26 ans. Avec sa mère Suzan Farhoud, elle a présenté sa nouvelle collection « Out of the Garden » samedi soir devant un public formé en majorité de femmes, certaines en jupe, d’autres en abaya, la tenue traditionnelle du Golfe.
Avec de mini-robes, des jeans moulants et des chemises transparentes, le tout émaillé de couleurs et de broderies, le duo affirme sa volonté de « briser les codes » de la mode arabe.
Les deux femmes passionnées par le denim ont créé la griffe « Jeans Couture », la mère dessinant les modèles et la fille créant des sacs et dirigeant l’entreprise. « Nous voulons que les Saoudiennes ne voient plus le jean comme un habit de tous les jours (…) mais qu’elles le portent même dans les occasions spéciales », explique Leen Shieshakly, qui a été éduquée aux Etats-Unis.
Quant à Suzan Farhoud, dont la mère est allemande, elle cultive sa personnalité « moitié arabe, moitié occidentale » en cherchant à « mêler le moderne à l’élégant ».
Les deux créatrices affirment que leurs créations sont bien reçues en Arabie saoudite, où la femme est pourtant tenue à un stricte code vestimentaire qui lui impose d’être couverte, en public, de la tête aux pieds. Mais les Saoudiennes aisées sont friandes de mode et s’habillent dernier cri dans l’espace privé.
Pour elles, la créatrice Arwa Al-Ammari a conçu une nouvelle collection élégante de robes, manteaux, jupes et tops décorés de feuilles, fleurs et oiseaux. « Cette collection a été inspirée par la nature tropicale », souligne la styliste qui s’est formée en Grande-Bretagne avant de lancer sa maison ArAm en 2013.
Ses créations, qui mélangent tulle, jacquard et dentelle, sont généralement conservatrices avec des manches et des jupes longues. « Je garde à l’esprit le besoin d’être internationale, tout en créant quelque chose de convenable pour la région », explique-t-elle. « Même dans l’espace privé, je préfère les manches longues car je les trouve plus élégantes ».
Pour Caroline Rush, qui dirige la London Fashion Week, cette tendance ne se limite pas au monde arabe. « Je pense que la mode pudique est certainement quelque chose qui se développe dans le monde occidental », estime-t-elle.
Cette observatrice avisée qualifie les collections des Saoudiennes de « très différentes en termes de style mais aussi de très ouvertes ». « La puissance douce autour de l’innovation et en particulier de la mode est un message très fort sur la manière dont les cultures sont en train de changer ».
Car, selon elle, la mode est, mieux que les médias traditionnels, « un moyen fantastique » pour souligner cette évolution des moeurs.
Un total de 20 maisons de 10 pays arabes participent jusqu’à lundi à l’Arab Fashion Week consacrée aux collections printemps-été 2017. Avec cette manifestation, Dubaï cherche à se placer sur la carte des capitales de la mode avec Paris, Milan ou New York, et développer un nouveau secteur économique au Moyen-Orient.
Elle a vu notamment vendredi la présentation, pour la première fois dans un pays arabe, d’une collection unisexe, signée par le Canado-jordanien Rad Hourani.
Le Quotidien / AFP