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Une affaire d’État, une vraie

C’était la grande affaire de la semaine, celle qui a fait vaciller le pays, menaçant jusqu’à ses fondements démocratiques. C’est du moins ce que pourrait penser un petit homme vert qui depuis l’espace aurait braqué ces jours-ci sa loupe sur le Grand-Duché, tant la désormais fameuse «affaire» Lunghi a mobilisé jusqu’aux plus hautes instances de l’État. De quoi s’agit-il? De la diffusion, trois semaines après les faits, d’un reportage de RTL où l’on voit Enrico Lunghi, le directeur du Mudam, se confronter dans un échange vigoureux à une journaliste de la télé luxembourgeoise. Excédé, il repousse le micro tendu et lui empoigne brièvement le bras.

Une atteinte à la liberté de la presse, dénonce RTL, dont l’avocat s’insurge contre cette odieuse attaque qui lui rappelle la Turquie. Alors, Lunghi et Erdogan, même combat ? Nos confrères turcs condamnés à croupir pendant des années dans des geôles miteuses apprécieront la comparaison. La journaliste de RTL a porté plainte et voilà que l’«affaire» se déplace sur le terrain judiciaire. Pour le Premier ministre, qui est également celui de la Culture et des Médias, c’en est trop. Mardi, il convoque illico la presse pour dire son indignation face à cet acte «inacceptable». Et commente au passage une affaire judiciaire en cours… ce qu’il se refuse habituellement à faire. Comme pour l’affaire LuxLeaks, dans laquelle la justice luxembourgeoise poursuit le journaliste qui a révélé le pot-aux-roses de ce hold-up fiscal.

Quant au fond, c’est-à-dire l’accusation faite à Enrico Lunghi de snober les artistes luxembourgeois, elle est démentie par les faits, puisqu’il leur a largement ouvert les portes de l’institution qu’il dirige. De nombreux professionnels de la culture l’ont rappelé cette semaine, tout comme ils ont rendu un hommage appuyé à la qualité du travail qu’il accomplit depuis qu’il est à la tête du Mudam. Enrico Lunghi a fini par s’excuser, la journaliste a retiré sa plainte et le conseil d’administration a confirmé le directeur dans sa fonction hier. La démocratie est sauve. Ouf! Décidément, depuis l’espace, les petits hommes verts doivent se dire que ce monde vit une époque formidable.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)