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L’hôpital décrépit de Salang, symbole des ratés occidentaux en Afghanistan


L'établissement décrépit, mal fichu, menace de s'effondrer à la première secousse dans une zone sismique. (photo AFP)

Penché au-dessus du patient couché sur une table d’opération branlante, un chirurgien se plaint du manque d’équipements de base dans son hôpital financé par les Américains, un des nombreux exemples de la gabegie occidentale en Afghanistan.

Quinze ans et des dizaines de milliards de dollars déversés plus tard, le pays reste dangereusement instable et figure toujours en bas du tableau des principaux indices du développement humain, au risque de susciter une certaine lassitude parmi les donateurs réunis à partir de mardi à Bruxelles.

L’établissement décrépit, mal fichu, menace de s’effondrer à la première secousse dans une zone sismique: mal équipé et manquant de personnel, il témoigne de ces investissements occidentaux dispendieux que les Afghans ne peuvent se permettre d’entretenir par la suite. « Comment sommes-nous censés soigner les patients? » interroge le Dr Qulbudin Shams, tentant d’ajuster du pied la table d’opération branlante en pleine intervention.

Des générateurs délivrent par intermittence l’électricité, les stocks de matériel anesthésique de base sont insuffisants et les flaques d’eau, comme celles de sang, doivent être essuyées à la main faute de système de drainage efficace.

En fin d'après-midi, l'hôpital de Salang reçoit un homme tombé de son noyer, dont la moelle épinière est possiblement endommagée. Le visage blême, le directeur de l'établissement Lal Mohammad Salangi s'écarte et avoue: "Nous n'avons pas ce qu'il faut pour traiter une telle blessure". (photo AFP)

En fin d’après-midi, l’hôpital de Salang reçoit un homme tombé de son noyer, dont la moelle épinière est possiblement endommagée. Le visage blême, le directeur de l’établissement Lal Mohammad Salangi s’écarte et avoue: « Nous n’avons pas ce qu’il faut pour traiter une telle blessure ». (photo AFP)

Des toilettes dans le bloc opératoire

Un coin du bloc opératoire accueille en revanche des toilettes qui ne devraient pas s’y trouver… « Comme si une maison d’habitation avait été transformée en hôpital » résume le chirurgien. « Ceux qui l’ont construit n’avaient aucune idée des besoins ». Une inspection effectuée récemment par l’organisme Sigar, nommé par le Congrès américain pour assurer le suivi des dépenses en Afghanistan, a révélé que l’entrepreneur avait été intégralement payé malgré les déficiences flagrantes.

Ainsi les nouveaux-nés sont lavés avec de l’eau non traitée, les patients claquent des dents en hiver sans chauffage en état de marche. Quant au service dentaire, il a fallu le fermer faute d’équipements adéquats par crainte d’infections.

Châteaux en Espagne et corruption

Cet hôpital n’est pas une exception: il compte parmi les nombreux châteaux en Espagne conçus pour justifier des dépenses pharaoniques, insuffisamment contrôlées, dans un pays rongé par la corruption. « La corruption pose une menace fondamentale aux missions en Afghanistan » assure Jodi Vittori, conseillère politique de l’ONG Global Witness.

Les donateurs n’ont jamais pris la peine d’adopter des mécanismes préventifs de base qui garantiraient une forme de responsabilité sur les comptes, alors même que des sommes colossales, détournées de l’aide internationale, « affluent dans les poches des élites prédatrices du pays » ajoute-t-elle. Pour elle, « cet angle mort menace tous les investissements humains et financiers effectués ici depuis 2001 ».

Les Etats-Unis ont dépensé quelque 110 milliards de dollars rien que pour la reconstruction de l’Afghanistan en 15 ans, davantage que le Plan Marshall de secours à l’Europe après la Seconde Guerre mondiale.

Pourtant, la plupart des écoles, cliniques, entrepôts bâtis par leur agence, l’US-Aid, sont vides ou inutilisés, selon le Sigar. Même les routes construites ici par les Américains n’ont pas tenu compte du poids des lourds camions locaux. Certains projets étaient culturellement promis à l’échec, comme un programme agricole pour produire du soja, que personne ici ne consomme.

L'hôpital de Salang. Après 15 ans et 10 milliards de dollars d'aide occidentale, l'Afghanistan est toujours un pays très instable et bien en dessous de tous les standards de développement. (photo AFP)

L’hôpital de Salang. Après 15 ans et 10 milliards de dollars d’aide occidentale, l’Afghanistan est toujours un pays très instable et bien en dessous de tous les standards de développement. (photo AFP)

Mais le pire fiasco, peut-être, de la reconstruction, réside dans ces programmes de lutte antidrogue qui ont englouti 8,4 milliards de dollars sans pouvoir empêcher l’Afghanistan de rester, et de loin, le premier producteur d’opium au monde (85% de la production).

Le trafic d’opium, estimé à 3 milliards de dollars environ par an, constitue en outre une source essentielle de financement de l’insurrection talibane. A Bruxelles, la conférence des donateurs qui se tient mardi et mercredi doit aboutir à de nouveaux engagements d’aide internationale à l’Afghanistan à hauteur de 3 milliards de dollars par an d’ici 2020.

Un renouvellement du soutien occidental justifié par la crainte de voir le pays s’effondrer et redevenir la base arrière du terrorisme mondial comme du temps du régime taliban, défait en 2001.

En fin d’après-midi, l’hôpital de Salang reçoit un homme tombé de son noyer, dont la moelle épinière est possiblement endommagée. Le visage blême, le directeur de l’établissement Lal Mohammad Salangi s’écarte et avoue: « Nous n’avons pas ce qu’il faut pour traiter une telle blessure ». Le blessé devra être transféré vers un autre hôpital.

Le Quotidien / AFP

Des femmes afghanes attendent dans l'hôpital de Salang, au nord de Kaboul. (photo AFP)

Des femmes afghanes attendent dans l’hôpital de Salang, au nord de Kaboul. (photo AFP)

 

Salle d'opération à l'hôpital de Salang. (photo AFP)

Salle d’opération à l’hôpital de Salang. (photo AFP)