Le peuple israélien a fait ses adieux à Shimon Peres jeudi, avant que les dirigeants de la planète ne convergent par dizaines à Jérusalem pour l’enterrement de cette grande figure.
Les funérailles de M. Peres vendredi s’annoncent comme la réunion exceptionnelle, autour de la dépouille du prix Nobel de la paix, de dizaines de dirigeants étrangers, parmi lesquels le président américain Barack Obama mais aussi a priori le président palestinien Mahmoud Abbas.
La présence de M. Abbas, longtemps source de maintes interrogations avant d’être annoncée par de hauts responsables palestiniens, sera la première visite publique de sa part à Jérusalem depuis des années.
Aucune autre présence de dirigeants importants de pays du Moyen-Orient, largement solidaires des Palestiniens, n’avait été officialisée jeudi après-midi.
Une personnalité n’a pas attendu les funérailles vendredi pour aller se recueillir sur le cercueil, exposé sur le parvis de la Knesset (Parlement). Bill Clinton, qui avait présidé en 1993 à la signature du premier accord d’Oslo et à la fameuse poignée de mains entre les ennemis israéliens et palestinien d’autrefois, peinait visiblement à contenir son chagrin devant le cercueil contenant l’un des signataires de l’accord et celui qu’il appelait un « ami véritable ».
Ce fut une rare interruption dans le flux continu des milliers d’Israéliens de tous âges et toutes origines sociales qui ont défilé devant le coffre.
Beaucoup ont pris en photo le cercueil ceint du drapeau bleu et blanc frappé de l’étoile de David. Pas de solennité extrême, pas beaucoup de larmes, mais le sentiment qu’une page d’histoire commune était tournée.
« Ampleur sans précédent »
Marielle Halimi a patienté plus d’une heure avant de pouvoir entrer avec ses trois enfants, puis d’en repartir en pleurant. « Ce qui est important, c’est que mes enfants comprennent et respectent ce que cet homme a fait, ses valeurs, son amour pour Israël, sa volonté de paix », dit-elle.
Jérusalem, ses drapeaux en berne, était déjà en état de siège alors que ne faisait que commencer l’hommage à celui que tout le monde ici appelait Shimon et dont l’image était intimement associée à l’ascension d’Israël, de la naissance au statut de puissance régionale.
Vendredi, avec l’arrivée des dirigeants étrangers, le mont Herzl sur lequel Peres sera enterré, et une grande partie de Jérusalem devraient être largement coupés du monde. Des dizaines de personnalités sont annoncées, comme Barack Obama, ses homologues français, allemand ou polonais, le prince Charles et le roi d’Espagne Felipe VI.
« Nous avons affaire à une opération d’une ampleur sans précédent », a déclaré le chef de la police Roni Alsheikh.
Israël n’a pas connu de tel évènement au moins depuis les funérailles en 1995 d’Yitzhak Rabin, l’ancien rival et Premier ministre assassiné, qui avait été récompensé en même temps que Shimon Peres et le leader palestinien Yasser Arafat du Nobel de la paix en 1994.
« Période délicate »
Dans un pays constamment confronté aux défis sécuritaires, 8.000 policiers ont été mobilisés.
Les obsèques coïncident avec le début des congés des grandes fêtes juives qui font redouter aux autorités israéliennes un accès de violences palestiniennes. « Nous sommes dans une période délicate, notamment en raison des menaces terroristes et des incitations à la haine sur les réseaux sociaux », a dit le ministre de la Sécurité intérieure Gilad Erdan.
M. Erdan a ordonné de surveiller les réseaux sociaux pour repérer la menace d’attaque par un individu isolé ou toute provocation qui viserait un dirigeant étranger, a dit la police.
M. Peres s’est éteint mercredi matin à l’âge de 93 ans à l’hôpital des suites d’un accident vasculaire cérébral.
Les marques de l’immense respect qu’inspirait Peres ont afflué du monde entier, saluant sa vision, son courage ou sa ténacité dans la recherche de la paix.
Il était le dernier survivant des trois récipiendaires du Nobel de la paix 1994, un an après le premier accord d’Oslo, qui jetait les bases d’une autonomie palestinienne et offrait un espoir de règlement du conflit israélo-palestinien.
Malgré Oslo et la conversion à la paix de cet ancien faucon, les Palestiniens ont une image bien plus sombre de l’homme qui a cautionné les premières colonies juives de Cisjordanie occupée et qui était Premier ministre quand l’aviation israélienne a bombardé le village libanais de Cana, tuant 106 civils en avril 1996.
Aux yeux des Israéliens, M. Peres était le dernier survivant de la génération des pères fondateurs de l’Etat d’Israël.
Maintes fois ministre, deux fois Premier ministre (1984-1986 et 1995-1996) et président (2007-2014), il était devenu dans son pays une personnalité largement consensuelle, considérée comme un sage de la nation.
« Il était évident qu’on viendrait car c’est l’un des plus grands leaders d’Israël », a déclaré Dani Levite, chef scout. « En m’arrêtant devant son cercueil, j’ai respiré très fort, comme si je voulais absorber tout ce que cet homme peut m’apporter. Si seulement on pouvait tous avoir un peu de Shimon Peres en nous ».
Le Quotidien / AFP