S’il est une chose troublante dans l’enquête que vient d’ouvrir la Commission européenne contre le Luxembourg et ses pratiques fiscales envers Engie, c’est bien l’identité de cette entreprise. Car derrière ce nom lointainement inspiré des Rolling Stones se cache l’ancienne société GDF, la bien nommée Gaz de France. Comme un aveu de la dérégulation européenne, ce but contre son camp d’Engie, dont l’État français possède un tiers des actions, illustre une totale perte de contrôle.
Quand une ancienne entreprise nationale décide d’être imposée dans un autre pays, cela montre que les actionnaires ont gagné. Peu importe l’histoire, l’identité ou la stratégie du groupe, tant qu’on peut échapper à l’impôt. Quand Gaz de France devient Gaz de Luxembourg, tout est dit.
Ce qui rend l’histoire encore plus croquignolette, c’est la décision de la Commission européenne du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker d’enquêter sur son pays natal. Un Grand-Duché qui jure ses grands dieux n’avoir rien à se reprocher, bien au contraire. L’usine à gaz est en tout cas bien en place.
Une seule chose est certaine en ce qui concerne la stratégie de la Commission d’enquêter tous azimuts sur les pratiques fiscales de certains États. Elle a choisi de faire bouger les choses et de mettre les membres de l’Union européenne devant leurs contradictions. L’Irlande a refusé les milliards d’Apple, que fera le Luxembourg si Engie est condamnée?
Quand les citoyens européens voient ces excès affichés au grand jour, ces États qui font tout pour mieux protéger leurs politiques fiscales, l’heure est nécessairement à la remise en question. Engie, au contraire d’Apple, est une entreprise européenne. Son exemple ne devrait pas rester longtemps isolé et les enquêtes vont se multiplier, nécessairement.
De leurs conclusions naîtra une nouvelle Europe. À moins que la politique menée par la Commission soit une attaque kamikaze de la dernière chance, un va-tout pour une Europe malade.
Christophe Chohin (cchohin@lequotidien.lu)