C’est finalement une suite malheureuse de bugs qui ont forcé Jeff Neuens à présenter sa démission en juillet dernier de la police judiciaire. Faux document, faux destinataire mais vraie trahison pour Étienne Schneider qui a dû se séparer du patron de la PJ qui rejoindra finalement les rangs de la direction générale, selon toute vraisemblance.
Le groupe CSV devra se contenter des explications que le ministre de la Sécurité intérieure, Étienne Schneider, avait déjà formulées pour justifier la démission de Jeff Neuens, patron de la police judiciaire (PJ) depuis septembre 2014 et débarqué de ses fonctions durant l’été pour cause de confiance rompue avec son ministre.
Tout se joue dans le contexte de la réforme de la police qui a donné lieu à de vifs échanges entre le ministre et les principaux syndicats et associations professionnelles de la «grande maison». Jeff Neuens, qui jusqu’alors figurait dans les petits papiers du ministre Étienne Schneider, a adressé un e-mail au procureur général d’État, Martine Solovieff, dans lequel le patron de la PJ lui demande d’insister auprès du ministre pour s’opposer au texte final auquel il avait eu accès.
«Le problème c’est que Martine Solovieff nous a affirmé qu’elle n’avait jamais reçu ce mail!», s’étonne la députée Diane Adehm dont le groupe parlementaire CSV reste sur sa faim après cette échange de vues sur la question de la démission de Jeff Neuens.
«Tout a fonctionné de travers»
Jeudi, l’ancien patron fraîchement remplacé par Claude Bingen (lire encadré), surnommé «Bingo» par ses pairs, était bien présent face aux députés de la commission jointe «mais il a très peu parlé», selon Diane Adehm, se «contentant de confirmer la version du ministre», précise-t-elle.
Et cette version d’Étienne Schneider est la suivante : les services du ministère, par un bug inexpliqué, ont envoyé à Martine Solovieff un faux document qui ne reprenait pas les revendications finalement retenues par la PJ dont le parquet est le deuxième patron aux côtés de la direction générale de la police.
Le procureur général d’État, sur base de ce texte erroné, a envoyé un courrier au ministre dans lequel elle s’étonne de ne pas retrouver les propositions qui avaient pourtant été discutées et acceptées. Normal, elle n’avait pas le bon texte en main. Jeff Neuens, lui, n’était pas le destinataire de ce texte, encore une erreur du ministère, mais l’aurait eu entre les mains. D’où le courrier qu’il adresse au procureur. «Là encore, il y a eu un bug! Jeff Neuens aurait envoyé son mail par erreur dans les services du ministère nous dit-on. Décidément, tout à fonctionné de travers», constate non sans sourire Diane Adehm pour qui toute cette histoire «est farfelue».
Bref, le ministre n’a pas digéré que le patron de la PJ s’adresse de la sorte au procureur pour lui demander d’exercer toute son influence pour faire passer les revendications propres à la PJ. Dès lors, Étienne Schneider a estimé que la confiance était rompue. Fin des relations. Jeff Neuens a reconnu sa maladresse et a aussitôt proposé sa démission que le ministre a acceptée sans hésiter. Il n’y a visiblement rien de plus à ajouter.
Le CSV qui a demandé à voir le mail incriminé s’est vu opposer une fin de non-recevoir. «C’est très dommage car le courrier de Martine Solovieff sera lui annexé aux documents de travail dans la procédure législative mais pas le courrier de Jeff Neuens», regrette la députée.
Geneviève Montaigu
L’arrivée de Claude Bingen surprend
Le CSV aurait eu encore d’autres questions mais il fallait hâter les choses, visiblement, car le ministre Étienne Schneider ainsi que la présidente de la commission Claudia Dall’Agnol étaient attendus à l’abbaye de Neumünster pour l’assermentation des nouveaux policiers. Le recrutement, c’est le premier problème de la «grande maison». Et surtout celui de la PJ. Or la réforme ne fait pas de cas particulier et la PJ, qui ne compte pas ses heures, ne sera pas autrement considérée. Dans les rangs de l’Association professionnelle de la police judiciaire, on constate déjà des départs, surtout des jeunes, qui préfèrent aller exercer à heures fixes dans un commissariat pour une meilleure qualité de vie.
L’arrivée de Claude Bingen, ancien directeur régional de la police de Mersch, âgé de 55 ans, a surpris dans les rangs du CSV qui s’attendait plutôt à trouver Steve Schmitz, numéro deux de la PJ et copain de fac d’Étienne Schneider. Son tour viendra peut-être plus rapidement que l’on ne pense. En attendant, Claude Bingen, qui a fait son entrée en 1994 au sein de la police grand-ducale après une carrière dans le privé en tant que réviseur d’entreprise, a aussi dirigé l’école de police. Ce poste est une belle porte de sortie avant la retraite, d’autant que le centre régional de Mersch fermera ses portes à la suite de la réforme.