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PwC Luxembourg milite pour un nouveau paradis fiscal


Pour Wim Piot, Tax Leader de PwC Luxembourg, le Grand-Duché doit se lancer à fond dans la compétition fiscale et se rapprocher du modèle irlandais. (photo Julien Garroy)

Alors que le gouvernement a déjà présenté sa réforme fiscale, PwC a sorti de son chapeau, ce lundi, ses recommandations pour le Grand-Duché. Le cabinet fiscaliste croit tenir la solution pour parer à la fin programmée des sociétés boîtes-aux-lettres : offrir des cadeaux fiscaux, en toute transparence cette fois.

Depuis l’affaire LuxLeaks, les sociétés boîtes-aux-lettres ont du plomb dans l’aile et PwC, qui en avait fait une de ses spécialités pour ses clients avec le concours du gouvernement luxembourgeois, le sait bien. Dès lors, comme les mesures de l’OCDE (plan BEPS) et de la Commission européenne prévoient à terme que les bénéfices seront taxés là où ils sont réalisés, il s’agit subitement pour le cabinet fiscaliste de faire venir de la «substance» au Luxembourg. C’est-à-dire -de vraies sociétés, avec une vraie activité et de vrais employés, et non plus seulement un siège européen fantôme siphonneur des bénéfices de ses filiales et avare d’impôts.

Et Wim Piot, Tax Leader de PwC Luxembourg, d’agiter les mouchoirs : «Aujourd’hui, les sociétés se rendent compte qu’il faut mettre plus de substance. Soit elles le font, soit elles partent. Des sociétés importantes ont ainsi récemment quitté le Luxembourg.»

Selon PwC, qui tenait lundi une conférence sur «L’avenir de la fiscalité», il n’y aurait dans ce contexte qu’une solution pour conserver l’attractivité du Grand-Duché : comme la base effectivement imposée va s’élargir sous l’effet de BEPS, il s’agirait de baisser drastiquement le taux d’impôt nominal sur les sociétés de 29% à 15% d’ici 2020 (et non 18% comme le prévoit le gouvernement d’ici 2018), et ainsi se rapprocher du modèle irlandais et de son taux record à 12,5%.

«Avec les mesures du plan BEPS de l’OCDE, la concurrence fiscale va augmenter», plaide Wim Piot, qui souhaite que le Luxembourg ait «lui aussi une partie du gâteau» qui sera laissé par le Brexit, face aux Irlandais ou aux Allemands.

À ce taux de 15%, PwC ajoute dans ses vœux trois nouveaux cadeaux fiscaux : une exonération accrue de la retenue à la source sur les dividendes (« privilège d’affiliation »), l’abolition de l’impôt sur la fortune («déjà aboli en Allemagne»), ainsi qu’une incitation pour les sociétés à capitaux propres importants, à travers la reconnaissance des « intérêts notionnels » (terme que PwC a pris soin d’éviter). En vigueur en Belgique, cette dernière mesure, qui vise officiellement à assurer l’équité fiscale entre financement par emprunt et par fonds propres, a pourtant déjà été pointée comme un moyen abusif d’optimisation fiscale par la Commission européenne…

En clair, il s’agit pour PwC d’aider les multinationales à payer toujours aussi peu d’impôts, cette fois en toute transparence, et toujours au Luxembourg s’il vous plaît, ce qui créerait croissance et emploi (selon PwC, +2,68% de PIB et +3800 emplois à dix ans pour un taux d’imposition ramené de 29% à 21%) et permettrait de diversifier enfin -ô miracle- l’économie grand-ducale.

«Vous pouvez être outrés par cette concurrence fiscale, mais elle est là. On voit une perte d’activité sur les 6 derniers mois, avec beaucoup de départs et très peu d’entrées. Dans un an ou deux, les recettes de l’Etat baisseront. Ce n’est pas encore une catastrophe totale, mais il est temps de bouger», soutient le Tax Leader de PwC Luxembourg, conscient malgré tout que sa proposition «ne sera pas adoptée d’ici la prochaine législature».

Hausse de la fiscalité sur l’immobilier

Si le cabinet n’a hélas pas chiffré le coût de ces décisions sur les recettes fiscales, il estime que celui-ci pourrait être compensé par diverses mesures,  notamment l’élargissement de l’assiette d’imposition (déjà prévue dans le plan BEPS) et la réduction de certains crédits d’impôt jugés «très généreux» (sic) au Luxembourg.

Aussi, même si le sujet est «politiquement explosif», PwC n’hésite pas à réclamer une hausse de la fiscalité sur les revenus immobiliers, qui toucherait indistinctement les entreprises et les particuliers. Ses montants au Luxembourg sont qualifiés de «dérisoires» par Wim Piot, au détriment des finances communales. Dommage que le Tax Leader de PwC, pour qui « rien n’est noir ni blanc en matière de fiscalité », n’ait pas observé le même zèle par le passé pour veiller à la bonne trésorerie des États lésés par les rulings luxembourgeois.

Rulings que PwC continue à produire pour ses clients, mais en nombre beaucoup plus limité («une vingtaine» depuis le début de l’année). Même si le plan BEPS empêchera la plupart des montages passés, PwC estime que ces décisions anticipées du fisc «doivent continuer à exister», quitte à ce qu’elles soient effectivement rendues publiques, mais «sous une forme anonymisée».

«À cet égard, l’administration des contributions directes devrait renforcer ses ressources», plaide encore PwC. Puisqu’il s’agit désormais, contraint et forcé, de «promouvoir la transparence» et les mesures anti-abus, il ne serait donc plus question de faire le job à la place du fisc, tel que l’a révélé dernièrement le procès LuxLeaks.

PwC a enfin tenté lundi d’appuyer son lobbying par un soutien «citoyen», en révélant le point de vue d’un panel «représentatif» de 60 résidents luxembourgeois, réalisé par TNS Ilres. Composé de deux tiers d’hommes, pour ne citer que cette anomalie, sa représentativité apparaît toute relative tandis que ses conclusions iraient, évidemment, dans le sens de la «compétition fiscale» (que d’autres appelleraient «dumping») promue par PwC.

Une conclusion intéressante a été relevée malgré tout par Charles Margue, Research Director chez TNS : les gens ne connaissent pas grand chose à la fiscalité des entreprises, on a oublié de leur expliquer ce qu’était le modèle (fiscal) luxembourgeois. Dans une démocratie, c’est dommage.

Sylvain Amiotte

Lire la présentation de l’étude et les propositions sur le site de PwC Luxembourg

Un commentaire

  1. PWC-Laissenous

    En gros Mr Piot fait l’apologie de la concurrence fiscale dommageable, telle que définie par l’OCDE, alors que c’est le principal cancer de nos équilibres économiques déjà bien fragilisé depuis 15 ans…

    M’enfin bon, les chiens ne faisant pas des chats, merci pwc.