Le fantasme de moteurs cachés dans les vélos est devenu réalité dimanche : le premier cas de tricherie mécanique dans le cyclisme a été découvert aux Championnats du monde de cyclo-cross, en Belgique, après plusieurs années de soupçons jamais étayés.
« Nous pensons clairement qu’il y a eu fraude technologique, il y avait un moteur caché », a déclaré le président de l’UCI (Union cycliste internationale), Brian Cookson, au sujet du vélo suspect de la Belge Femke Van den Driessche, saisi samedi.
« Souvent, on riait en évoquant ce dopage mécanique mais maintenant, on sait que des coureurs utilisent de tels procédés, ou les ont utilisés », a insisté Cookson. « Devons-nous en conclure que le phénomène est très répandu, je n’en sais rien ! », a ajouté le patron du cyclisme mondial, qui n’a pas voulu donner de détails sur le moteur découvert.
Par dopage mécanique, on entend généralement une aide illicite à la performance via un moteur électrique miniaturisé caché dans les tubes du vélo ou un système d’entraînement au niveau des roues.
La cycliste de 19 ans, elle, a plaidé la méprise d’un mécanicien: « Ce n’était pas mon vélo, mais celui d’un ami, identique au mien », a-t-elle soutenu, en larmes, sur la chaîne Sporza. « Cet ami est allé reconnaître le parcours samedi avant de déposer son vélo au camion. Un mécanicien, pensant qu’il s’agissait de mon vélo, l’a nettoyé et me l’a préparé pour la course », a-t-elle poursuivi en jurant qu’elle « ignorai(t )totalement » que l’engin dissimulait un moteur.
Alors que le cyclisme a été secoué par des scandales de dopage physiologique à la fin des années 1990, les soupçons de tricherie mécanique ont pris corps en 2010 après la démonstration du Suisse Fabian Cancellara dans le Tour des Flandres puis Paris-Roubaix. Un récital doublé de changements de vélo qui avait beaucoup fait jaser, sans que l’accusation -totalement rejetée par l’ex-champion du monde du contre-la-montre- soit pour autant accréditée.
Dans les semaines suivantes, l’ancien coureur professionnel Davide Cassani, devenu consultant à la télévision italienne, avait présenté un prototype de vélo équipé d’un mécanisme motorisé octroyant des watts supplémentaires à son utilisateur.
Le scandale avait incité l’UCI à procéder à des contrôles occasionnels, qui n’avaient jamais rien donné jusqu’ici.
Selon le règlement, le coureur pris en faute s’expose à une disqualification, une suspension de six mois minimum et une amende pouvant s’élever à 200.000 francs suisses (192.000 euros).
« Le dossier est dans les mains de la Commission disciplinaire », a expliqué Cookson, qui veut envoyer un « message clair » aux tricheurs: « Nous allons vous attraper et vous punir, parce que notre technologie pour détecter ce type de fraude semble fonctionner ».
Dans son rapport d’enquête publié en mars 2015, la commission indépendante pour la réforme du cyclisme (CIRC) avait conclu à l’existence de la tricherie, sans apporter de preuves concrètes.
« Je n’ai jamais pensé que de tels agissements étaient possibles. C’est un scandale que l’entourage de Femke ait trompé la Fédération belge », avait réagi samedi soir Rudy De Bie, le sélectionneur belge.
Pour sa part, le manageur de l’équipe Etixx, Patrick Lefevere, a réclamé « la suspension à vie pour la tricheuse ».
Samedi, l’UCI avait annoncé avoir saisi le vélo d’une concurrente. La Fédération belge (RLVB) avait ensuite précisé qu’il s’agissait de Femke Van den Driessche, grand espoir du cyclisme belge, et qu’une « fraude technologique » avait été constatée. La coureuse, favorite de la course Espoirs, avait abandonné à mi-parcours après des… problèmes mécaniques.
L’été dernier, lors du Tour de France, le spectre des vélos truqués avait ressurgi lorsque certains s’étaient étonnés des performances du maillot jaune britannique et futur vainqueur, Chris Froome, dans La Pierre-Saint-Martin.
« On a l’impression que le vélo pédale tout seul », avait relevé l’ancien coureur Cédric Vasseur, devenu consultant TV. Des sous-entendus que Froome avait catégoriquement balayés.
Auparavant, pendant le Tour d’Italie, une brigade spécialisée dans la recherche des champs magnétiques -qu’un moteur caché pourrait produire- était intervenue à Gênes. Sans résultat. Pendant ce même Giro, l’ancien champion américain Greg LeMond avait prôné l’utilisation d’un pistolet thermique pour détecter toute source de chaleur.
Le Quotidien / AFP