La directrice du BGL BNP Paribas Luxembourg Open, Danielle Maas, est actuellement à Wimbledon, où elle prépare la prochaine édition du tournoi qui se déroulera du 15 au 22 octobre à Kockelscheuer. Elle nous explique l’envers du décor.
Pouvez-vous nous expliquer ce que vous faites à Londres ? Du lobbying pour votre tournoi ?
Danielle Maas : Oui, c’est plus ou moins ça. On se rend chaque année à Roland-Garros fin mai. Et on y prend des contacts directement avec les joueuses, on les sonde pour voir si elles sont intéressées pour venir à Kockelscheuer. Ensuite, on continue nos démarches à Wimbledon. Et si c’est positif, on prend alors langue dans le management de la joueuse en question.
À Paris, vous avez ainsi rencontré combien de jeunes filles ?
Cette année, une bonne vingtaine de tenniswomen. On ne discute qu’avec les joueuses les plus connues du circuit. On le fait également avec celles qui sont un peu plus loin dans la hiérarchie mondiale mais dont on sait qu’elles apprécient de prendre part à notre rendez-vous. Et puis, on essaie aussi de voir celles qui ont remporté notre tournoi.
Vous rencontrez toutes les meilleures joueuses du monde ?
Serena Williams est une des seules à qui on ne parle pas. Elle nous a fait une sale blague voici une dizaine d’années (NDLR : c’était en 1999 en réalité). Elle était prévue chez nous, le tirage au sort avait d’ailleurs même été effectué et elle était notre tête de série numéro 1. Et puis, son avion a fait escale quelque part aux États-Unis et elle a décidé de ne pas rallier Luxembourg. Vous comprenez que nos relations n’ont, du coup, plus été très bonnes. Avec sa sœur, Venus, par contre, tout va pour le mieux. Elle a gagné chez nous (NDLR : en 2012) et c’est une fille remarquablement gentille. Non, Serena est la seule qu’on n’approche plus. Maria Sharapova ? Je l’aime beaucoup. Elle n’était pas à Paris cette année (NDLR : à cause de sa suspension pour dopage), mais, auparavant, on la rencontrait toujours, même si elle ne venait plus jouer à Luxembourg.
Est-ce déjà arrivé qu’une joueuse vous donne son accord mais que vous ne trouviez pas un terrain d’entente avec son manager ?
Si elle nous a dit oui et que, de notre côté, on pense qu’elle en vaut la peine, on trouve toujours un arrangement. Mais si la jeune fille hésite et demande, par exemple, plus d’argent, cela ne vaut pas la peine d’approfondir les choses.
Une joueuse du top mondial, cela coûte combien ?
C’est le genre de chose que je ne peux pas vous révéler. Mais, par contre, je peux vous dire que le budget que nous réservons aux joueuses est plus ou moins le même que le prize money du tournoi : 250 000 dollars.
Et cela vous permet d’attirer combien de joueuses ?
Cela dépend. Parfois, on prend plusieurs éléments du top 20 mondial. Mais on peut aussi se dire qu’on va consacrer cette somme à deux ou trois tenniswomen qui se situent au sommet. Beaucoup de choses entrent en jeu : le nom de la joueuse, son ranking mais aussi sa valeur sur le « marché ». Prenez une Ana Ivanovic dont je vous parlais tout à l’heure. Elle n’est plus top 10 ou top 15, mais elle est toujours très médiatisée, notamment via son couple avec le footballeur allemand Bastian Schweinsteiger. Sa présence peut attirer du monde. Et c’est aussi valable pour une Caroline Wozniacki. Et à côté de ça, il existe des filles qui sont très biens classées mais que le grand public ne connaît pas. Regardez Muguruza, peu de gens savaient qui elle était avant Roland-Garros et pourtant, elle figurait dans le top 5 planétaire.
Wimbledon et Roland-Garros, ce sont des rendez-vous obligatoires pour vous ?
C’est une obligation pour renouveler les contacts, c’est une visibilité qu’on se doit d’avoir. Pour les mêmes raisons, on devrait aussi se rendre à l’US Open, le Grand Chelem le plus proche de notre tournoi, mais malheureusement, ce ne sera pas possible cette année. Si on passe une semaine à Wimbledon, il ne faut pas croire qu’on voit beaucoup de matches. Il est fréquent que nous rentrions le soir à l’hôtel sans avoir vu une minute de tennis. On reste dans l’espace réservé aux joueuses et… on attend beaucoup. Pour voir celles-ci, leurs managers. Il faut aussi s’avoir saisir le bon moment pour rencontrer quelqu’un. Juste après une défaite, par exemple, ce n’est pas vraiment idéal. Ce job, c’est 50% de psychologie. Heureusement que nous le faisons depuis 25 ans. Ma vie professionnelle m’aide aussi, puisque je suis éducatrice dans le service de psychologique au lycée technique de Bonnevoie. Les joueuses que je rencontre ne réagissent pas autrement que mes élèves.
Beaucoup d’autres tournois font également ce boulot de lobbying ?
Certains, mais ils ne sont pas très nombreux. Beaucoup ne font que négocier avec les différents managers. Ce que je me refuse à faire, car, pour moi, c’est d’abord la joueuse qu’il faut approcher. Puis ensuite l’agence qui la représente.
Le Luxembourg Open a la réputation d’être un tournoi familial. Cela se voit aussi dans vos démarches…
Oui. Et c’est quelque chose que nous voulons garder. Cela fait notre différence.
Certaines viennent à Luxembourg pour moins d’argent que ce qu’elles percevraient ailleurs ?
Oui, c’est sûr. Une Kim Clijsters était présente chaque année à Kockelscheuer. Alors qu’avec son statut de numéro 1 mondiale, les autres tournois devaient lui offrir beaucoup plus. Avec le temps, les agents nous connaissent. Certains sont même devenus des amis. Ils savent que nous avons un plafond, les 250 000 dollars dont je vous parlais, et que nous n’irons pas au-dessus. Ils ne peuvent donc pas venir nous voir avec les mêmes conditions que celles demandées à Doha, Dubai, Moscou…
Il y a des joueuses qui sont impayables pour vous ?
Serena (Williams) et Maria (Sharapova). Ce sont les seules.
Après Wimbledon, votre affiche est remplie à combien de pour cent ?
À 10% ou 15%. Nous voulons avoir les trois noms supplémentaires (NDLR : après celui d’Andrea Petkovic) que nous dévoilerons lors de la conférence de presse prévue le 7 juillet, dont peut-être déjà une joueuse du top. Mais, à mon sens, cette année, ce serait mieux d’attendre encore un peu. Cela va bouger en été. Tout sera bouclé à la rentrée.
Entretien avec Julien Carette