La 3e étape a été annulée après la chute massive qui a mis à terre la moitié du peloton. On déplorait, vendredi soir, quinze blessés hospitalisés dont un dans un état grave. La 4e étape se tiendra normalement ce samedi.
Avec toutes les réserves qui s’imposent, on s’autorisera un «plus de peur que de mal» même s’il y a eu de la casse, beaucoup de casse, énormément de casse. Vendredi, l’après-midi a paru interminable pour tous les suiveurs de la Flèche du Sud alors que la course, elle, s’était arrêtée après seulement neuf petits kilomètres.
Il était 12h10. Le peloton qui venait de Hostert avait quitté la nationale 23 pour s’engouffrer dans le CR301. Il s’agit d’une petite route longtemps boisée, descendante, comprenant plusieurs rivages et un parapet empierré sur le côté gauche. «Chute au peloton, chute au peloton !», crachotait Radio Tour. On connaît la musique. Mais le ton n’était pas habituel.
Environ un tiers du peloton était en effet allé au tapis dans un terrible fracas. De la poussière, de la fumée et des cris s’en extirpaient. Témoignage de Lex Reichling, l’un des coureurs du VV Tooltime Préizerdaul : « Je me trouvais dans le premier tiers du peloton et d’un coup, j’ai entendu un bruit inhabituel. Puis j’ai vu beaucoup de poussière venir sur le bas-côté. J’ai pensé qu’une moto nous doublait, mais ensuite j’ai vu des vélos qui étaient projetés. Lorsque je me suis retourné, j’étais le dernier coureur rescapé, il n’y avait plus personne derrière moi. C’est dans le village de Nagem que les commissaires nous ont arrêtés pour nous expliquer la situation. »
En fait de situation, il s’agit d’un « véritable chaos », comme nous l’expliquera à son tour Christian Helmig (lire ci-dessous) . Les deux tiers des coureurs viennent s’empiler les uns sur les autres à une vitesse folle (entre 70 et 75 km/h, foi de compteur).
Scène de chaos
Les freins crissent, les vélos se brisent dans un grand vacarme. À terre, les coureurs ensanglantés hurlent leurs douleurs et leur désespoir.
Le médecin de la course, Ted Schmit, dresse sur-le-champ un inventaire, organise les premiers soins d’urgence et alerte les secours. Car c’est une évidence, devant la multitude des blessures répertoriées, cela ne suffira pas. Deux coureurs seront transférés par hélicoptère. L’un au Kirchberg. L’autre à Ettelbruck.
« Je suis resté longtemps avec l’un de nos coureurs blessés, Christiano Mendes Batista. Je lui parlais pour qu’il reste éveillé. Puis il s’est évanoui avant d’être transféré par hélicoptère. Mais je suis rassuré, il est déjà sorti de l’hôpital, il ne souffre que de simples contusions. Il devra simplement rester 20 jours, chez lui, au calme », disait ainsi vendredi soir Jos Engelmann, le président et directeur sportif du VV Tooltime Préizerdaul. On respire…
Vendredi soir, ily avait donc un blessé grave à déplorer, 14 coureurs restant hospitalisés pour diverses fractures. Des blessures habituelles de cyclistes, si on peut s’exprimer ainsi. Des clavicules, des poignets (l’Estonien de Leopard Aksel Nommela), des épaules brisées (Luc Turchi, le Luxembourgeois du Team Basso). Des plaies évidemment (Mike Diener, recousu au genou gauche). Des hématomes, des contusions et autres traumatismes…
Le convoi des rescapés
Après la décision de neutraliser la course, vint celle, une heure plus tard, d’annuler l’étape. À peine neuf kilomètres avaient donc été parcourus. Les rescapés de cette troisième étape rejoindraient bien Warken et passeraient la ligne d’arrivée à 14h44. Mais en convoi, et sous bonne escorte. La troisième étape qui était partie de Redange-sur-Attert, avait donc été annulée sur décision du président du jury des commissaires.
Une décision qui s’imposait. Par simple décence. Et bien sûr par mesure de sécurité, une expression qui n’était pas vaine en l’espèce. Une décision saluée par tous alors qu’une rumeur, une de plus et non confirmée, évoquait des dissensions entre plusieurs équipes. La belle journée de cyclisme qui s’annonçait avait viré au drame, mais chacun se rassurait comme il le pouvait en se disant qu’à une telle vitesse, cela aurait pu être pire.
Ce samedi, la course reprendra ses droits avec la quatrième étape. Les meilleurs des rescapés lorgneront sur le maillot de leader porté par le Néerlandais Twan Van Den Brand.
On ne sait pas si les coureurs auront les idées claires ou tout simplement l’envie de faire la bagarre même si, à force, on les sait rompus à ce genre de situation. Le sport cycliste n’est pas seulement dur d’un simple point physique. Il est dur aussi parce que ce risque permanent de la chute trotte constamment au- dessus de la tête des coureurs. Le risque, oui, mais pas à n’importe quel prix. Dans tous les cas, vendredi soir, longtemps après le drame, tout le monde jugeait que les bonnes décisions avaient été prises. Et la pression, peu à peu, était retombée…
Denis Bastien
Helmig : « C’était vraiment fou »
Christian Helmig (coureur portant les couleurs du LC Tétange) : «C’était fou, vraiment fou. Je n’ai pas vu directement la chute car j’étais à l’arrière du peloton. Mais d’un coup, j’ai compris que ça venait de tomber. J’ai ralenti et des coureurs m’ont percuté à l’arrière et je suis tombé à mon tour. Ce n’était pas beau. On voyait bien que certains coureurs étaient vraiment blessés. Moi, je n’ai que des petites plaies (son cuissard était déchiré à l’arrière). L’annulation de l’étape est une bonne chose. J’espère que tout le monde sera bien d’accord avec ça. D’autant que dans le peloton, tout le monde était sous le choc. Une heure après la chute, alors que la décision de ne pas repartir en course est tombée, on a dit : Pour aujourd’hui, c’est assez…»
Dr Ted Schmit (médecin de la course) : «Après la chute, on dénombrait 20 blessés, dont 14 ont été hospitalisés. Parmi eux, deux ont été transférés par hélicoptère.»
Carlo Laschette (directeur de course de la Flèche du Sud) : «Nous n’avions plus d’ambulances disponibles pour suivre la course, donc nous n’avions pas d’autre choix que d’arrêter. Avec le président du jury des commissaires, je pense que nous avons pris la seule décision possible .»
Mike Diener (VV Tooltime Préizerdaul) : «J’ai vu la chute se produire au beau milieu du peloton, et j’ai brisé mon vélo en morceaux. Mon genou gauche est touché (il se fera recoudre en fin d’après-midi). Que dire…»
D. B.