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Une femme de chambre attaque le Palais grand-ducal


Jacqueline était employée au château de Berg depuis 14 ans. Elle estime que son licenciement en juillet 2014 était abusif. De son côté, la Cour affirme dans la lettre de licenciement qui lui a été adressée qu'elle a fait preuve de façon répétée d'«insubordination». L'affaire passera devant le tribunal le 5 octobre. (photo Isabella Finzi)

La vie de la Cour étalée sur la place publique ? Ce serait une première. Une femme de chambre s’est lancée dans l’écriture d’un livre qui relate ses années au Palais. Elle estime avoir subi de trop nombreuses humiliations et un harcèlement permanent jusqu’à son licenciement en juillet 2014 au retour d’un arrêt maladie de deux mois. Renvoyée pour insubordination et harcèlement envers ses collègues, elle conteste son licenciement devant le tribunal du travail. Délicat.

Elle compte écrire un livre. Du jamais vu. Mais avant cela, elle traîne devant le tribunal du travail son employeur pour licenciement abusif et harcèlement. Tout cela pourrait paraître anodin si l’employeur en question n’était pas l’administration des Biens du Grand-Duc et l’employée, une femme de chambre de la Grande-Duchesse Maria Teresa.

Installée dans une petite salle de réunion chez son avocat, Me Pascal Peuvrel, Jacqueline (un nom d’emprunt) fait calmement le récit de ses 14 années passées au château de Colmar-Berg, au service de la Grande-Duchesse, qu’elle appelle toujours « Madame ». Son licenciement notifié en juillet 2014 avec un préavis légal de six mois, elle le conteste énergiquement et rejette les motifs exposés sur trois pages par M e Pierre Metzler, le conseil de l’administration des Biens de Son Altesse Royal le Grand-Duc (ADB).

Un caractère bien trempé

Motifs qui sont fondés essentiellement sur son comportement «qui peut se définir par (une) insubordination manifestée à différentes reprises et par la mauvaise ambiance causée par (ce) comportement vis-à-vis de (ses) collègues de travail et en particulier des actes graves de harcèlement moral vis-à-vis d’une de (ses) collègues», lit-on dans le courrier qui lui a été adressé le 22 août 2014 par lettre recommandée.

La femme de chambre, il est vrai, n’est pas du genre à encaisser sans broncher. « Madame connaissait mon caractère, je ne me laisse pas accuser de voleuse sans réagir », assure Jacqueline. L’employée entrée au service du Palais en 2001 se plaint elle aussi de harcèlement, mais elle a néanmoins supporté cette situation pendant 14 ans. Quand le régisseur du Palais lui demande si elle aime son travail, elle n’hésite pas à lui répondre qu’elle aime son salaire.

Pour un salaire mensuel brut de 4 720,99 euros, Jacqueline a donc exécuté les ordres de la Grande-Duchesse Maria Teresa. « Mais ils étaient souvent contradictoires », dit-elle. Elle raconte des détails qui, mis ensemble, dressent un portrait peu flatteur de la souveraine. Pleinement consciente qu’elle viole par là-même un secret professionnel auquel le personnel du Palais est tenu, elle fonce tête baissée malgré tout, balayant les possibles conséquences que pourraient entraîner ses confidences.

Elle estime être une salariée comme les autres et qu’à ce titre elle a des droits, dont celui de se défendre. Du jamais vu depuis 10 ans, époque à laquelle un cuisinier de la Maison avait osé prendre un avocat pour contester lui aussi un licenciement qu’il estimait abusif.

La tentative d’un cuisinier

Alors qu’il avait eu gain de cause devant le tribunal du travail en première instance, la seconde devait ruiner ses espoirs. À l’époque, il n’avait pas voulu alerter la presse sur son affaire en dépit des conseils de son avocat. « Je n’avais pas envie d’être banni du pays », explique-t-il aujourd’hui au Quotidien .

Jacqueline, elle, déclare n’avoir rien à perdre. À cinq ans de la retraite, elle estime en avoir « bavé ». Mais la partie adverse a des arguments aussi. Et des témoins prêts à affirmer que la femme de chambre s’est effectivement mal comportée envers sa supérieure hiérarchique. « Madame m’a demandé de m’excuser auprès de ma supérieure et j’ai refusé. Je lui ai tenu tête et ça ne se fait pas visiblement », déclare la femme de chambre. D’autres témoins pourraient, selon elle, décrire les seaux de larmes qu’elle a versés pendant ces 14 années passées au Palais.

Cette couturière de formation, habitant Hettange-Grande, en France, avait fait la connaissance de la Grande-Duchesse Maria Teresa dans la boutique de Luxembourg où elle travaillait et où la souveraine venait s’habiller. Elle n’a pas pu refuser le poste de femme de chambre qui lui était proposé. Sa tâche auprès de la souveraine consistait, entre autres, à préparer les tenues de Madame lors des divers événements publics.

En 2008, déjà, alors que l’ambiance entre les femmes de chambre avait dégénéré et que les relations entre Jacqueline et la Grande-Duchesse s’étaient envenimées, elle avait été envoyée au service de la lingerie. « Madame m’a rappelée auprès d’elle un an plus tard », précise la femme de chambre.

Mais les relations ne se sont jamais rétablies, Jacqueline ayant continué à lui tenir tête. Dans sa requête, elle réclame 300 000 euros au titre du préjudice matériel et 50 000 euros au titre du préjudice moral.

Contactée par Le Quotidien pour prendre position, la Cour a estimé que les motifs du licenciement étant connus de la rédaction, elle n’avait rien de plus à ajouter sinon à rappeler le secret professionnel auquel sont tenus les personnels de la Maison.

Geneviève Montaigu

Une clause rompue

Les fonctionnaires et serviteurs sont tenus au secret le plus strict concernant les faits qui sont constatés ou dont ils ont connaissance à raison ou à l’occasion de leur service. L’obligation résultant de cette disposition s’impose avec la même rigueur après la cessation des fonctions» : cette clause figure dans le contrat de travail que signe chaque personnel de la Maison grand-ducale et résulte d’un décret du 19 avril 1949.

Il faut croire que certains sont prêts à la transgresser dès lors qu’ils décident d’aller défendre leur cause devant un tribunal du travail, où forcément les arguments des deux parties doivent être échangés, ou encore d’écrire un livre! L’audience concernant l’affaire de Jacqueline a été fixée au 5 octobre prochain. Reste à savoir si cette clause de confidentialité ne peut pas entraîner le huis clos des débats.

G. M.

 

L’ASBL Mobbing mise à contribution

Quand Jacqueline doit quitter ses fonctions de femme de chambre pour se retrouver à la lingerie, elle sombre dans une dépression. C’était en 2008 et elle décide d’aller frapper à la porte de l’association Mobbing pour lui exposer son cas.

L’association, «à la lumière des faits cités», comme elle l’écrit à la fin de son rapport détaillé, constate que «les critères de la définition du harcèlement moral sont remplis et que Madame (X) se trouve dans une situation de harcèlement moral».

Seul hic, l’association reconnaît dans son rapport de 2008 qu’elle n’a pas pu faire «d’analyse contradictoire», cette dernière ayant exclusivement porté sur les faits que Jacqueline lui a rapportés. Rappelons que l’association Mobbing est une émanation du syndicat LCGB.

Un commentaire

  1. Rodriguez Michel

    Pour raisons personnelles je ne suis pas étonné par l’action en cours au Grand Duché..à suivre le déballage complet!