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Sidérurgie : « Pérenniser l’industrie européenne et des emplois de qualité »


"La démarche politique, il vaut mieux qu'elle vienne tard que pas du tout", estime Jean-Claude Bernardini. (Photo Tania Feller)

Jean-Claude Bernardini, secrétaire central en charge du secteur sidérurgique à l’OGBL, explique pourquoi les syndicats ne manifestent pas auprès d’Eurofer ce lundi à Bruxelles.

Mais surtout, il dresse le même constat alarmant que les patrons et les politiques qui demandent tous aujourd’hui à la Commission européenne d’intervenir pour tout bonnement sauver la sidérurgie européenne. Une réaction tardive, selon Jean-Claude Bernardini, qui rappelle que les syndicats ont sonné l’alarme depuis longtemps.

L’association des entreprises de sidérurgie européennes (Eurofer) a pris l’initiative d’organiser une manifestation ce 15 février à Bruxelles. Les employeurs mobilisent leurs salariés mais sans concertation avec les syndicats. Vous ne menez pas la même bataille ?

Jean-Claude Bernardini : En partie, si. En ce qui concerne l’attribution du statut d’économie de marché à la Chine, nous nous y opposons également, comme Eurofer. Sur le fond, on peut se rejoindre sur un autre élément qui est toute la problématique des quotas d’émission de CO2 encore que sur ce point, nous sommes encore plus exigeants. Contrairement au patronat, l’OGBL pense également qu’il ne faut pas se limiter à des mesures d’urgence sur le court terme, comme par exemple l’établissement d’un prix plancher pour les produits sidérurgiques, mais qu’il faut avant tout mettre en place des mesures qui visent à pérenniser l’industrie sidérurgique européenne et des emplois de qualité. Nous l’avons écrit noir sur blanc pour que les patrons qui manifestent aujourd’hui comprennent ce qu’ils auraient dû faire depuis longtemps.

Le patronat qui défile apparaît-il tout en contradiction ?

Pas mal d’entreprises ont des partenariats avec les entreprises chinoises et c’est pour le moins ambigu. D’un côté, on pousse des cris d’orfraie face aux importations chinoises et aux prix pratiqués et, en même temps, on participe à cette production qui inonde l’Europe. L’idée d’être présent sur le marché chinois pour les besoins du marché interne je peux le comprendre, et d’ailleurs cela ne me pose pas de souci. Mais on ne peut pas tout miser sur les vertus du libre marché et en même temps demander de l’aide à l’État. Nous, au niveau de notre fédération européenne, nous disons qu’il faut une intervention de l’État afin qu’il régule le marché par une série de mesures selon des critères financiers mais aussi sociaux et environnementaux. Je rappelle aussi qu’à l’époque des grandes restructurations en Europe, les syndicats ont tiré la sonnette d’alarme alors que l’Europe allait arriver à des sous-capacités qui l’obligeraient à importer. Des multinationales ne pensaient pas nécessairement à la Chine mais à leurs zones de production comme la Russie ou encore le Brésil.

Il faudrait donc des mesures plus protectionnistes. Cela semble revenir dans l’air du temps, vous ne pensez-pas ?

Sans tomber dans la nostalgie de ce qu’on a connu dans le passé, on se dit que c’était peut-être une erreur de dissoudre la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier). Sans vouloir refaire la même chose, il faudrait peut-être penser à créer une instance de ce type-là pour l’ensemble de l’industrie européenne. N’ayons pas peur de parler de protectionnisme quand nous revendiquons des critères sociaux et environnementaux.

L’OGBL se dit satisfait du courrier envoyé à la Commission par les ministres de 7 pays européens producteurs d’acier dont le Luxembourg. Elle vient un peu tard, regrettez-vous ?

La démarche politique, il vaut mieux qu’elle vienne tard que pas du tout. Je rappelle qu’en 2012, quand le groupe a annoncé les fermetures de Rodange, Schifflange plus quelques sites du bassin liégeois, en Espagne également, l’OGBL, avec des syndicalistes français et belges, avait rencontré à Bruxelles les ministres Arnaud Montebourg, Étienne Schneider et Jean-Claude Marcourt sur une éventuelle intervention de l’État dans les restructurations du groupe. Leur réaction était plutôt proche de zéro.

Entretien avec Geneviève Montaigu

A lire en intégralité dans Le Quotidien papier de ce lundi 15 février