Au Luxembourg, 20% des jeunes travailleurs risqueraient de tomber dans la pauvreté. Si ce chiffre est à relativiser, la précarité guette trop de jeunes entre 18 et 24 ans.
Le débat sur la pauvreté ne cesse d’enfler au Luxembourg. Alors qu’au niveau de la population globale 21% des résidents sont menacés par la pauvreté, la situation n’est guère meilleure pour les jeunes âgés de 18 à 24 ans. Une récente étude d’Eurostat a en effet conclu que 20% des jeunes travailleurs résidant au Grand-Duché risquent de tomber dans la pauvreté. «C’est un chiffre alarmant», lance Djuna Bernard (déi gréng). La jeune députée avait pris l’initiative d’un débat sur la pauvreté des jeunes à la Chambre. «En tant que plus jeune élue, il est de mon devoir de mener et d’approfondir ce débat», souligne-t-elle.
Si tous les orateurs s’accordaient à dire que le chiffre fourni par Eurostat était à relativiser, «cela ne doit pas nous amener à enjoliver la situation», fait remarquer Carole Hartmann (DP), autre jeune élue. «Il ne faut en effet pas oublier que derrière ce chiffre se trouvent des gens», complète Sven Clement (Parti pirate), qui fait lui aussi partie des novices à la Chambre.
Il est un fait que la précarité guette bien trop de jeunes. Les raisons sont nombreuses : prix exorbitants des logements, conditions de travail peu stables (plus de CDD que de CDI, chômage des jeunes, etc.) ou encore nombre trop important de décrocheurs scolaires. Pour contrer ce phénomène, les gouvernements successifs ont mis en place toute une panoplie de mesures qui peinent cependant à se montrer efficaces.
Pas de Revis, pas de chômage…
Dans le programme gouvernemental, signé en décembre, on retrouve à quatre reprises la question de la lutte contre la pauvreté sur le plan national. «Cette lutte concerne pratiquement tous les départements ministériels. Elle se tire d’ailleurs comme un fil rouge à travers le programme», fait remarquer le ministre du Travail, Dan Kersch.
Les solutions pour remédier à la pauvreté des jeunes sont connues, mais les choses n’évoluent guère. «Il existe encore de la marge pour rendre plus performant un filet social défaillant», indique Marc Baum (déi Lénk). «Les moins de 25 ans bénéficient de peu de soutien. Ils n’ont pas droit au Revis (NDLR : revenu d’inclusion sociale, l’ancien RMG), ne touchent pas de chômage et n’ont pas forcément accès à la caisse de maladie», énumère Georges Engel (LSAP).
Dans la liste des remèdes, on retrouve une nouvelle hausse conséquente du salaire social minimum (SSM), l’instauration de nouvelles formes de logement (colocation, cohabitation), une meilleure formation et orientation des jeunes ou encore une adaptation des prestations sociales. La révision du Revis et de ses conditions d’accès est une autre piste dressée notamment par le CSV, déi Lénk et les pirates. Actuellement, les moins de 25 ans n’ont pas droit à l’ancien RMG.
Dans sa réplique, la ministre de la Famille, Corinne Cahen n’a cependant pas évoqué cette possibilité. Elle affirme pourtant que «si un jeune ne va pas bien, c’est un de trop. Il faut s’en occuper.» Avec le ministre du Travail, elle a par contre mis en avant la hausse récente du SSM. «En fin de compte, un jeune va toucher 100 euros de plus», met en avant Dan Kersch.
La volonté de procéder à «une analyse sérieuse de la situation» afin de proposer «une réaction pragmatique à court terme où cela est possible» serait toutefois bien présente dans le camp du gouvernement. «On entreprend beaucoup pour permettre aux jeunes de mener une vie autonome et digne», ajoute la ministre de la Famille.
Un «cercle vicieux»
Cela n’empêche pas qu’un important chemin reste à parcourir. Djuna Bernard élargit ainsi le débat sur les jeunes pour lesquels «le filet familial n’existe pas». Si les 18-24 ans restent, en raison de moyens financiers insuffisants, de plus en plus longtemps logés à «l’hôtel maman», plusieurs catégories d’adolescents n’ont pas cette possibilité. «Je pense aux jeunes qui à 20 ans sont obligés de quitter les foyers d’accueil. La situation pour les mineurs non accompagnés (NDLR : migrants) n’est guère meilleure. Souvent, ils se retrouvent du jour au lendemain confrontés à l’exclusion sociale», note la députée.
Cette exclusion sociale peut d’ailleurs provoquer des séquelles psychologiques. «C’est un réel danger. Souvent, les jeunes ont assez de moyens pour se payer des produits de base, mais ils ne peuvent pas participer à la vie de la société», constate la plus jeune députée. Une «solution miracle» pour sortir de ce «cercle vicieux» n’existerait cependant pas. La prise de conscience de la part des responsables politiques constitue toutefois un premier pas important.
David Marques