La croissance qualitative est le nouveau mot d’ordre du gouvernement pour préparer l’avenir du pays. Lundi a été lancé un large débat sur la question, impliquant économie, logement et mobilité. Un vaste chantier.
Le message lancé par le ministre du Développement durable au départ d’un processus qui doit permettre au pays de parvenir notamment à une
refonte de l’aménagement de son territoire (limité) a été clair. Il serait «absurde» de miser sur un «scénario de la peur» avec la perspective d’un État avec 1,1 million d’habitants en 2060. Mener un débat «constructif», sur base de «faits» afin de planifier le Grand-Duché de demain serait par contre une nécessité, souligne François Bausch. L’opération suscite déjà des controverses.
Le gouvernement a lancé lundi sur le campus universitaire de Belval, à l’ombre des hauts-fourneaux qui sont les témoins de l’essor économique du pays, un large processus de consultation pour mettre sur les rails les grandes orientations devant permettre au petit Grand-Duché de continuer à se développer à grande échelle. Le nouveau mot d’ordre est la «croissance qualitative». «Le terme est volontiers provocateur. On pose la question de savoir de quelle croissance on veut demain. On n’exclut rien», affirme le ministre du Développement durable, François Bausch.
Il semble en effet que le camp politique prend tout doucement conscience qu’une croissance continue qui doit tourner chaque année autour des 4 % ne peut pas tenir la route sur la durée. Les récents chiffres du Statec démontrent d’ailleurs l’effet pervers de cette croissance aveugle, même si elle permet de financer le système social très généreux du pays.
La démarche du gouvernement n’est cependant pas suffisante aux yeux du Mouvement écologique. Ou plutôt : elle serait menée dans le mauvais sens. «Il nous faudrait procéder par questions clés. On mène à nouveau un débat sympathique entre nous, sans toutefois s’attaquer au fond de la chose. La première question sur laquelle il nous faudrait trouver une réponse est de savoir si la croissance doit rester un objectif absolu», souligne la présidente Blanche Weber, présente lundi aux côtés d’autres représentants des «forces vives» (patronat, syndicats, organisations et associations) pour (re)lancer le débat sur le Luxembourg de demain.
En guise d’introduction au débat, François Bausch avait dressé un état des lieux avec à la clé la proposition de trois scénarios pour l’aménagement du territoire de demain. «Il nous faut cesser les débats fantômes sur un État de 1,1 million d’habitants d’ici 2060. Des perspectives basées sur une durée de 45 ans sont une absurdité. Mais le rôle de la politique est bien de planifier l’avenir, en se reposant sur des faits», avait lancé d’emblée le ministre.
Les jeunes enfin impliqués dans le débat
Pour François Bausch, la préférence va vers un «scénario organisé et harmonisé» qui reposera sur le développement de trois grandes agglomérations : «Agglo Lux», «Agglo Sud» et «Agglo Nord». «Les plus importants investissements en termes de mobilité sont faits sur et autour de ces trois pôles. De plus, ce scénario nous permettrait de mieux répartir la croissance en termes d’emploi et d’habitants», prédit le ministre, sans toutefois se fermer au débat avec tous les acteurs impliqués, y compris le grand public.
Du débat organisé dès lundi à la Maison du savoir, on peut retenir que bien des «murs», cités par François Bausch en personne, doivent encore être abattus avant que ce développement harmonieux puisse avoir lieu. «On a besoin d’un changement des mentalités. Mais on est toujours confronté au dilemme de devoir répondre aux besoins d’aujourd’hui tout en gardant un œil sur la demande des générations futures», a résumé Paul Weidig, représentant du Syndicat des villes et communes du pays (Syvicol).
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Mais la jeune génération est bien prête à vivre différemment, comme l’a souligné Dunja Bernard, porte-parole de la Conférence générale de la jeunesse (CGJL). «Il s’agit d’un signal important que les jeunes soient enfin impliqués dans ce débat», a-t-elle souligné.
Bref, les mœurs changent et le Luxembourg a encore un important retard à combler. Et le pays, ou plutôt sa population vieillissante, doit se mettre à l’idée de devoir renoncer à certains acquis. Si les syndicats et la Caritas plaident pour le maintien du système social – à condition qu’un modèle de financement alternatif continue à garantir les prestations, dont une autre répartition de la richesse – la situation au niveau du logement, mais aussi au niveau de la mobilité doivent également évoluer.
L’équation est vaste, et se perdre dans des «scénarios reposant sur la peur», comme la perspective d’un pays avec 1,1 million d’habitants, est contre-productive, comme l’a dit à maintes reprises François Bausch, lundi. À bon entendeur!
David Marques