Les syndicats ont sondé les professeurs du secteur de la formation professionnelle qui, dans leur grande majorité, désavouent la réforme de la réforme que met en place le ministère de l’Éducation nationale.
Les professeurs en ont ras la casquette: 84% de ceux qui ont été interrogés par l’intersyndicale composée par l’APESS le SEW et la Féduse se disent prêts à manifester si aucune amélioration dans le domaine de la formation professionnelle ne devait être actée dans les prochaines semaines.
Ils ont promis de mettre leur menace à exécution si d’aventure le ministère de l’Éducation nationale ne réagissait pas à leurs revendications. Car celles-ci sont, jusqu’à hier, restées lettre morte. Concrètement, l’intersyndicale des enseignants décrie la réforme de la réforme entreprise par le ministère, dans le secteur de la formation professionnelle.
Dans ce contexte particulièrement tendu, les syndicats s’attaquent en première ligne au service ministériel de la formation professionnelle (SFP). Son équipe dirigeante, composée d’Antonio De Carolis et de Karin Meyer, serait tout simplement incompétente, selon l’intersyndicale. «Nous constatons que la direction du SFP mène une politique de communication désastreuse, caractérisée par une absence totale d’esprit d’ouverture et de dialogue», déplore Jules Barthel, du SEW/OGBL. Si les fonctionnaires du ministère se sont attiré les foudres des syndicats, c’est également parce que l’organisation des dénommés «PIF» (Projet intégral final) s’avère «partiellement chaotique», selon eux.
Et la direction du SFP n’est pas la seule à en prendre pour son grade. Le président du comité de la formation professionnelle, Jean Billa, qui est en charge de la mise en œuvre de la réforme de la réforme, n’est pas davantage vénéré. «La réforme en cours est marquée par un semblant d’ouverture au dialogue qui n’a pas été suivie par des actes concrets», déplorent les syndicalistes. Pire encore, les annonces de réformes pour la prochaine rentrée ont été faites sans concertation aucune, ni avec les syndicats ni au sein du comité de la formation professionnelle, «comme promis par le ministre Meisch».
«Une histoire sans fin», selon les syndicats
En clair, la réforme de la réforme se révèle être mise en musique de manière unilatérale. De plus, elle apparaît plus qu’illogique aux yeux des syndicats, qui se sont attachés à l’illustrer, en décryptant le nouveau cursus de formation du technicien commercial. La suppression d’une deuxième session d’examens complète en septembre, remplacée par une deuxième session de «projet intégral final» en février de l’année suivante, leur reste en travers de la gorge. «Pourquoi faire perdre une année complète aux élèves, en les privant d’une deuxième session en septembre, alors que l’examen dans le nouveau régime est beaucoup moins lourd que celui de l’ancien régime?», s’interrogent-ils, plus que jamais dubitatifs.
Un autre exemple avancé, à savoir celui de la formation du technicien informatique, étaye encore davantage la vision syndicale de la réforme. Graphique à l’appui, l’intersyndicale dénonce ainsi le fait que dans le secteur des nouvelles technologies et de la communication, seuls 2,2 % des futurs postes de travail à pourvoir sont de niveau DAP et DT, alors que 93,1 % des postes requièrent un niveau d’enseignement supérieur (postbac). «Et pourtant, la réforme de la formation professionnelle a rendu plus difficile l’accès des étudiants DAP/DT aux études supérieures!», s’insurge l’intersyndicale.
Face à ces incohérences, l’alliance syndicale a pris l’initiative de lancer une enquête auprès des profs. «Beaucoup d’enquêtes ont été réalisées dans le passé par les ministères, mais l’avis des enseignants n’a jamais été sollicité, sauf en 2013, mais les résultats n’ont jamais été publiés», regrettent les syndicalistes. «Les résultats de cette dernière enquête ont certainement été classés dans un tiroir obscur d’un bureau du ministère», ajoutent-ils. Quant à leur propre sondage, que les syndicats ont réalisé du 21 janvier au 19 février derniers, il révèle clairement que la réforme en cours ne satisfait pas les profs et que ces derniers sont prêts, à 84 % (303 oui pour 57 non), à manifester, si la réforme n’est pas améliorée. En attendant, les syndicats qualifient la situation conflictuelle d’«histoire sans fin».
Claude Damiani