La COP21 marque un tournant que le Luxembourg aurait tort de manquer, avertit l’eurodéputé vert Claude Turmes.
Finance, économie, technologie, énergie : la révolution verte est en marche. L’Europe et en particulier notre pays doivent évoluer, quitte à prendre des mesures impopulaires, plaide le Luxembourgeois.
Maintenant que la fièvre de la COP21 est retombée, quel bilan en tirez-vous ?
Claude Turmes : L’histoire nous dira si cet accord était historique. Mais c’est incontestablement un progrès depuis l’échec de [la conférence sur le climat de] Copenhague en 2009. Pour la première fois, on a un accord où tous les gouvernements s’engagent, et pas seulement les pays industriels. La deuxième différence, c’est qu’on a un accord qui est proche des recommandations scientifiques, en prônant la limitation du réchauffement climatique (d’ici 2100 et par rapport à 1990) à 1,5 °C, et non plus à 2 °C. Enfin, c’est un accord équilibré au niveau de l’équité, avec ce budget de 100 milliards destiné à aider les pays en voie de développement pour réduire leurs gaz à effet de serre (GES).
Voyez-vous des bémols ?
Oui, trois bémols. Les deux premiers, c’est que les secteurs des transports maritime et aérien sont les grands absents de cet accord.
Le troisième bémol concerne les plans d’action pour le climat fournis par les gouvernements. Près de 190 pays ont fourni leurs objectifs de lutte contre les GES, couvrant ainsi quasiment l’ensemble des émissions mondiales. Mais si on se base sur le respect de tous ces plans, on arrivera seulement à limiter le réchauffement à 3 °C. Il faudra donc aller plus loin.
En 2014, les investissements dans les énergies renouvelables ont augmenté de 16% dans le monde, mais stagnent en Europe à +1%…
Les trois prochaines années seront un moment clé, car on va formater le marché européen de l’énergie pour les 15 prochaines années. Or ce qui me désole, c’est : qui a développé l’énergie solaire ? L’éolien ? Les maisons zéro énergie ? Tout ça, c’est l’Europe ! Grâce à la COP21, ces technologies vont suivre un développement exponentiel, et il serait quand même ridicule que les pionniers de ces technologies se fassent dépasser par la Chine ou la Corée du Sud.
Il faut que l’Europe récupère son leadership sur le photovoltaïque, qui devient de plus en plus rentable. Il faut qu’on consolide notre maîtrise sur l’éolien en mer… Tout ça demande une volonté politique, et il va y avoir une vraie bataille entre les intérêts à court terme des lobbys du gaz, du charbon, du pétrole et du nucléaire, qui veulent décélérer cette transition, et la société qui se bat pour atteindre les 1,5 °C en misant sur les énergies vertes.
Le pétrole est redevenu bon marché. Cela ne va pas aider à sortir de la société des énergies fossiles…
Vous pointez un des grands défis. Un récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie envisage un scénario où le prix du pétrole n’augmentera plus, à cause du boom des énergies vertes et des mesures d’efficacité énergétique qui rendent les voitures et les bâtiments moins consommateurs d’énergies fossiles. Or cela pose un énorme problème, car il est très contre-productif d’avoir un niveau si bas du pétrole : cela va freiner l’innovation pour les voitures vertes, la transition économique, etc. C’est pourquoi il faut rapidement, au niveau européen, discuter d’une augmentation des taxes sur le pétrole, pour qu’il redevienne plus cher…
… et enlever du pouvoir d’achat aux particuliers. Une mesure impopulaire !
En effet. Mais les hommes politiques ne sont pas là pour prendre des mesures populaires, ils sont là pour anticiper les problèmes de fond. Revenir à un prix du baril compris entre 80 et 120 dollars grâce aux taxes sera utile, à condition qu’on réinjecte le produit de ces taxes dans la modernisation des infrastructures, l’innovation, bref, tout ce qui profitera aussi aux gens.
Entretien avec Romain Van Dyck
A lire en intégralité dans Le Quotidien papier du lundi 28 décembre