Alors que le gouvernement s’apprête à introduire, en octobre, son programme d’éducation plurilingue dans les crèches, la phase pilote qui a couru d’avril à décembre derniers, n’a eu que des échos positifs.
Les «ballons d’essai» qui ont été lancés en avril 2016 dans huit crèches du Grand-Duché, sont plus qu’encourageants. Les témoignages des principaux intéressés, à savoir les responsables et représentantes de trois des huit crèches sélectionnées à travers le pays, selon la volonté ministérielle de garantir un échantillon varié, ont tous concordé dans ce sens. Et force est de constater que la composante géographique, bien que le pays soit relativement exigu, s’est révélée prépondérante au cours de la phase pilote.
Ainsi, il coule de source que les comportements linguistiques des enfants, âgés de 1 à 4 ans, se différencient largement, selon qu’ils vivent dans la plus grande ville du sud du Luxembourg, dans une commune périphérique de la capitale, ou encore dans une localité située à la frontière allemande, le long de la Sûre, là où campings et touristes néerlandais font intégralement partie du paysage. Les populations enfantines d’Esch-sur-Alzette, de Strassen et de Born – puisque ce sont de ces communes dont il s’agit – ne sont évidemment pas comparables.
D’où l’intérêt indéniable de cette phase pilote, initiée au mois d’avril 2016. Ceci dit, tout n’était pas gagné d’avance, à en croire «le scepticisme initial», aussi bien évoqué par la coordinatrice de la phase et directrice en sciences d’éducation, Claudia Seele, que par les responsables des crèches-test concernées.
Scepticisme généralisé, puis révisions d’opinion
Ce scepticisme s’est, entre autres, manifesté au niveau de la volonté prônée de partenariat et de participation accrue, entre éducateurs et parents, dans la vie des crèches. «Dans ce contexte, nous avons nourri une vision sceptique concernant la communication avec les parents», a reconnu Claudia Seele, avant d’évoquer la mise sur pied d’ «actions concrètes pour lutter contre ce sentiment de scepticisme», a-t-elle indiqué.
De son côté, la représentante de la crèche Coccinella d’Esch-sur-Alzette, Aurore Nave, a expliqué que la structure où elle exerce, «était déjà multiculturelle», sous-entendant que la deuxième ville du pays comprend une grande communauté étrangère, dont portugaise. De plus, elle a fait savoir que les «enfants s’adaptent entre eux» et que «tout le monde, au sein de la crèche, est naturellement impliqué». Par ailleurs, Aurore Nave, a fait savoir que sa structure avait déjà différents projets, mettant l’accent sur la langue luxembourgeoise : un cours de yoga uniquement dispensé en luxembourgeois ou encore une marionnette qui communique exclusivement en luxembourgeois, avec les enfants.
Au sein de la crèche de Born, qui se trouve à quelques encablures de la ville de Trèves, les données sont forcément légèrement différentes. «Ici, l’équipe d’éducateurs est orientée allemand et luxembourgeois», a souligné la chargée de direction, Angélique Hebert, qui a, également, mis en avant un sentiment de scepticisme initial. De même dans le camp des parents qui se sont interrogés sur le «risque» de «perte de leurs connaissances en luxembourgeois. Mais l’objectif, pour nous, a bien évidemment été de créer de nouveaux jeux de rôle et autres activités au sein desquels la langue de Molière est utilisée crescendo». Une politique au final gagnante, puisque les parents n’ont émis que des avis positifs.
Retour à la lisière de la capitale, à savoir dans la crèche Am Pescher de Strassen. «Pour notre part, nous accueillons beaucoup d’enfants francophones et de nombreuses nationalités», a d’emblée souligné la chargée de direction, Cindy Martins. Cela étant, elle aussi a mis en avant le scepticisme initial de son équipe, «pas sûre de ses propres capacités à appliquer le programme», avant que celle-ci ne se ravise. «Nous laissons les enfants parler la langue qu’ils souhaitent dans les ‘jeux libres’ et nous observons. Ceci dit, le français est déjà présent au quotidien et le luxembourgeois est une langue véhiculaire chez nous. La majorité des parents voient ce programme comme une chance», a conclu Cindy Martins. De bon augure pour la suite !
Claude Damiani