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Claude Wiseler : «Arrêtons de promettre ce que nous ne pourrons pas tenir»


(Photo :Julien Garroy)

Claude Wiseler, le chef de file de l’opposition CSV, savoure la victoire de son parti aux élections communales, qui ont vu l’émergence d’une jeune génération d’élus. Pour le reste, il est inquiet…

La politique budgétaire menée par le gouvernement ne le rassure pas du tout pour l’avenir. Il parle des cadeaux que les gens devront finalement rembourser et craint un brutal retour de bâton pour les générations futures. Il n’est pas le seul.

Vous attendiez-vous à un tel succès lors des élections communales?

Claude Wiseler : De cette ampleur, à vrai dire non. Nous avions espéré, étant donné les sondages plutôt positifs, obtenir de bons résultats, mais les élections communales ne sont pas des élections nationales. Nos scores dans les grandes villes étaient plus inattendus, d’agréables surprises je dois dire. Parmi elles, Walferdange, Esch-sur-Alzette ou Luxembourg, mais il y en a beaucoup d’autres.

À quoi attribuez-vous ce succès?

Cela fait trois ans que nous menons une campagne de proximité. Nous sommes allé partout, nous avons parlé de tout ouvertement en prenant le temps, ce qui est peut-être plus facile dans l’opposition qu’au gouvernement. Le fait d’avoir délibérément choisi de mettre en place une nouvelle génération a beaucoup joué aussi. Ils ont été bien élus et s’établissent en prenant leur premier mandat et pour nous c’est d’une importance primordiale, cela nous redonne de l’énergie.

La recette « nouvelle génération » sera-t-elle renouvelée pour les élections législatives où les places sont plus disputées?

Il faut trouver le mix idéal. Il va falloir faire des choix parfois douloureux.

Avez-vous appréhendé ces élections communales comme un test pour les nationales?

Non, c’est très différent. En revanche, nous avons essayé d’aborder les sujets de manière à rester cohérents avec notre discours national. Et c’est également une des raisons de notre succès dans les communes qui se résume finalement à ces trois aspects : proximité, rajeunissement et cohérence des politiques communale et nationale.

Que pensez-vous de cette nouvelle manie de former des coalitions qui peuvent renvoyer les mieux élus dans les rangs de l’opposition? On a frôlé la majorité à quatre à Schuttrange, par exemple…

Pour Schuttrange, je constate que c’est le CSV qui s’est retiré de cette constellation alors que le ministre socialiste de l’Intérieur a crié au scandale, mais ce sont bien les socialistes qui sont restés à Schuttrange dans cette coalition à trois. Dan Kersch a utilisé le terme fort de « magouilles » en parlant de la légitimité des élus qui sont libres de choisir les coalitions qu’ils veulent, et c’est grave. Après ça, le ministre nous invite autour d’une table pour en discuter, mais discuter de quoi? Le moment est mal choisi, car nous attendons d’autres élections et les partis n’ont qu’à mettre dans leur programme électoral ce qu’ils souhaitent changer dans le système.

Le Conseil national des finances publiques (CNFP) a vivement recommandé au gouvernement de mettre dès maintenant en place des mesures par souci d’équité intergénérationnelle. Partagez-vous cette conclusion?

Oui, car si on continue la politique qui est actuellement menée, le Luxembourg sera de loin le plus mauvais élève européen, alors qu’on se targue d’être parmi les meilleurs modèles aujourd’hui. Cette politique nous mène droit dans le mur et c’est le contraire de la soutenabilité. Le CNFP tient le même discours que nous. On ne peut pas réagir que dans 20 ou 30 ans et le CNFP nous exhorte à réagir maintenant, à prendre les mesures nécessaires pour redresser la barre, c’est une question de responsabilité intergénérationnelle.

Le niveau d’investissement s’explique aujourd’hui par la nécessité d’adapter les infrastructures à la croissance, mais on ne va pas construire un tram et des gares tous les deux ans non plus…

Le CNFP a montré que le déficit budgétaire n’était pas le résultat des investissements élevés, puisque proportionnellement au PIB, leur niveau est resté inchangé ces dix dernières années. C’est l’augmentation des dépenses courantes qui est la cause essentielle du déficit. Quant aux investissements, je considère qu’ils sont encore à un niveau trop peu élevé.

Si un gouvernement mène une politique dans l’optique d’une population de 1,2 million d’habitants, alors les investissements prévus sont loin d’être suffisants pour garantir un tant soit peu la qualité de vie face à une telle croissance. On ne construit pas tous les ans un tram, mais si la croissance continue comme ça, il faudra continuer à construire chaque année des écoles et prévoir des extensions au tram, investir encore plus dans la mobilité.

Les investissements resteront à un niveau très élevé au cours des 40 prochaines années. Le raisonnement du ministre des Finances (NDLR : Pierre Gramegna) par lequel il essaie de persuader les gens que les emprunts de l’État sont comparables à ceux des personnes privées qui financent leur maison sur 20 ou 30 ans est faux! Le ministre des Finances nous propose d’acheter une maison tous les ans pendant 40 ans, donc chaque année un milliard de déficit.

Entretien avec Geneviève Montaigu

Publié en intégralité dans notre édition du lundi 30 octobre