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Chasse : le débat fait rage


En interdisant la chasse au renard, le gouvernement entend adapter la chasse aux besoins du XXIe siècle.

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D’après Camille Gira, la population des renards au Luxembourg pourrait se stabiliser au lieu d’exploser. (Photos : François Aussens)

C’est en marge de la présentation du troisième bilan technique « en matière de gestion de la faune sauvage et de la chasse » de l’administration de la Nature et des Forêts (ANF) que Camille Gira, secrétaire d’État au ministère du Développement durable et aux Infrastructures, est revenu sur l’interdiction de la chasse au renard durant un an, qui a tant fait grincer des dents de nombreux chasseurs luxembourgeois ayant fait part de leur désaccord jusqu’ici, qu’il a d’ailleurs tenu à louer pour leur coopération.

La chemise safari de Sandra Cellini (ANF), elle-même chasseur, devait certainement souligner l’approche conciliatrice du secrétaire d’État, qui tenait à assurer aux journalistes que les auteurs de cette loi « savent de quoi ils parlent ».

Ce dont doute, sans vraiment surprendre, une grande partie du milieu des chasseurs et des agriculteurs. Pour beaucoup, en effet, ce qui se disait hier en haut du mirador ministériel de la tour Alcide-De-Gasperi, au Kirchberg, n’a rien à voir, de près ou de loin, avec les réalités sur le terrain, mais serait entièrement empreint d’idéologie.

Il n’est pas besoin de revenir ici sur la grande tradition dont jouit la chasse en Europe, passe-temps aristocratique par excellence et aux multiples résonances dans l’art, que ce soit au niveau de la peinture ou encore en musique. Le fait est que depuis quelques années, elle s’est trouvée discréditée à peu près partout en Europe, en raison d’un changement de paradigme dans la manière qu’a l’homme occidental de considérer les créatures aux côtés desquelles il vit sur terre. À cet égard, la chasse au renard fait partie des archaïsmes, qu’on préfère bannir de la société contemporaine au même titre que les safaris en Afrique, les corridas ou la chasse à la baleine.

D’après Camille Gira, il s’agit de « relations nouvelles avec les animaux », de relations qui soient en accord avec l’image d’ « une société éclairée du XXIe siècle ». Car, résume le secrétaire d’État, « nous ne sommes pas seuls, en tant qu’humains à avoir des sentiments ou à ressentir la douleur ».

> La chasse au renard serait inutile

Mais au-delà de ces considérations d’ordre philosophique, c’est avant tout l’utilité de la chasse au renard qui est remise en cause. Comme l’explique Laurent Schley, de l’ANF, les vaccinations qui ont eu lieu par hélicoptère à partir des années 80 auraient fait augmenter le nombre de renards au Luxembourg, avant qu’il n’atteigne son sommet, à la fin des années 90.

Or, comme on ne chasserait plus l’animal pour sa peau et pas non plus pour sa viande et que la rage aurait pratiquement disparu de nos landes, il n’y aurait « pas de raison objective pour continuer à chasser du renard ». Même si cette interdiction n’a pas à être définitive. En cas de situation urgente, elle pourra toujours être annulée.

Camille Gira reconnaît aussi le phénomène citadin des renards qui se promènent en ville. Mais il est confiant sur le fait qu’on réussira, avec des pièges à animaux vivants, à les attraper pour les reconduire dans la nature.

De plus, il n’est pas d’avis qu’une augmentation de la population des renards au Luxembourg mènera nécessairement à une surpopulation voire à une aggravation du risque de transmission du cestode de l’echinococcus multilocularis, contenu dans leurs excréments, maladie contre laquelle les chasseurs mettent particulièrement en garde. Pour Camille Gira, c’est plutôt le contraire qui pourrait avoir lieu, sous la forme d’une stabilisation du nombre de renards, telle que prouvée par un certain nombre d’études scientifiques.

Parmi d’autres mesures, à l’ordre du jour hier, deux règlements grand-ducaux, dont le premier concerne la sécurité lors des battues et la deuxième ayant trait à l’ouverture de la chasse.

Comme l’a expliqué Sandra Cellini, les consignes de sécurité se rapportent en premier lieu au maniement voire à la manipulation des armes. Il faudra aussi qu’à l’avenir les chasseurs informent 15 jours à l’avance de la tenue d’une battue l’administration de la Nature et des Forêts se chargeant pour sa part de publier l’annonce sur son géoportail. Il sera également utile d’installer des panneaux annonçant l’évènement avec la date précise et la consigne pour les piétons de ne pas déranger la chasse.

L’objectif du deuxième règlement grand-ducal est de faire en sorte qu’il y ait à l’avenir « plus de calme dans nos forêts » en fermant la chasse pendant six semaines entre mars et avril, à l’exception du sanglier qui pourra être chassé en plaine. En revanche, la chasse au chevreuil sera prolongée jusqu’à la mi-octobre.

De notre journaliste Frédéric Braun