Le rapporteur du budget de l’État, Yves Cruchten, a choisi de se concentrer sur le bien-être des habitants à l’heure où les chiffres traduisent une situation économique et financière du pays plutôt enviable.
Après une douzaine de réunions de la commission des Finances et du Budget et une vingtaine de rencontres bilatérales, le député socialiste Yves Cruchten a pu présenter son rapport sur le budget de l’État hier après-midi devant les députés. En une heure, il a fait le tour de la question en présentant d’abord les chiffres avant de se concentrer sur sa contribution personnelle dédiée en grande partie au PIB bien-être parce que «tout ne se réduit pas au tout-économique», déclare-t-il.
Yves Cruchten en a profité pour remercier le député chrétien-social Serge Wilmes d’avoir demandé un débat sur le PIB bien-être et a salué également la démarche d’un autre chrétien-social, Paul Galles, qui veut interpeller les députés sur la situation de la pauvreté au Grand-Duché. Le rapporteur veut se contenter d’analyser le bien-être de la société sous l’angle de la pauvreté et des inégalités, du logement et des conditions de travail.
Les rapports annuels de Caritas Luxembourg et de la Croix-Rouge luxembourgeoise révèlent que le nombre de bénéficiaires est passé de 4 182 personnes en 2014 à 10 204 en 2018 et l’orateur ne manque pas de rendre hommage aux organisations qui accompagnent les plus démunis. Il émet une série de recommandations à l’attention du gouvernement et aimerait d’ailleurs que la Chambre se charge d’en faire le suivi. Il déposera une résolution dans ce sens. Il recommande ainsi de donner davantage de moyens aux associations conventionnées car elles ne peuvent répondre qu’aux besoins les plus vitaux des personnes sans domicile fixe. Mieux former les bénévoles, qui peuvent faire face à des situations difficiles, est primordial aussi. Il rappelle encore que l’accord de coalition prévoit en fin de législature de réintroduire l’indexation des prestations familiales sans rattrapage. Le rapport souligne que des prestations familiales généreuses représentent un élément fondamental pour de nombreuses familles, en premier lieu les familles monoparentales, afin de subvenir aux besoins de leurs enfants.
Le logement, cette gangrène
Le Luxembourg se distingue par un taux très faible de privation matérielle grave par rapport aux autres pays de l’Union. En 2004, il s’élevait à 0,8% alors que la majorité des personnes concernées n’habite même pas dans un ménage à très faible intensité de travail.
Le travail, justement, le rapporteur se penchera dessus aussi. Le logement consomme souvent une partie disproportionnée du salaire et le phénomène de la pauvreté laborieuse demeure répandu au Luxembourg. Du travail au logement, il n’y a donc qu’un pas et Yves Cruchten revient sur la concentration des terrains par une poignée de propriétaires qui n’ont pas intérêt à vendre vu la valeur du foncier qui explose d’année en année.
Le rapporteur se permettra de fustiger le cadre législatif favorable à ce type de spéculation et d’encourager le gouvernement à torpiller cette concentration malsaine. Le régime fiscal spécial dont profitent les fonds d’investissement spécialisés (FIS) qui investissent dans le marché immobilier luxembourgeois doit être réformé pour en finir avec les abus. Et la réforme de l’impôt foncier s’impose plus que jamais, selon le rapporteur qui souhaiterait que cette réforme permette de distinguer entre les petits propriétaires d’une résidence principale et ceux qui détiennent une large partie du potentiel foncier.
Le Fonds spécial de soutien au développement du logement, qui doit être créé, devra être doté de moyens suffisants pour étendre le parc immobilier public. Pour Yves Cruchten, il existe un risque que ni les aides au logement existantes ni la création de logements à un rythme accéléré ne réussissent à rendre le logement accessible à une plus grande partie de la population. Pour lui, seul un parc immobilier public nettement plus important pourra garantir l’accès au logement de tous ceux qui ne peuvent ni offrir des garanties suffisantes pour un prêt immobilier ni payer les loyers du marché.
Le budget ne consiste pas seulement à se réjouir de la bonne santé économique et financière du pays, encore faut-il se réjouir du bien-être des habitants. Yves Cruchten l’a bien signifié dans son rapport et il attend des actions du gouvernement. Pour l’heure, il y aura d’abord la réaction de l’opposition ce mercredi et la réponse du ministre Pierre Gramegna jeudi.
Geneviève Montaigu