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Avis de tempête sur les forêts luxembourgeoises


Une jeune pousse de hêtre, qui va devoir se battre pour survivre... (photo R.Van Dyck)

Seuls 26 % des arbres grand-ducaux sont en parfaite santé. Plusieurs espèces au Luxembourg pourraient même disparaître. Reste que la situation fait polémique chez les experts de nos forêts.

Des parasites, la pollution, le réchauffement climatique… Nos arbres ont connu des jours meilleurs. Depuis 2007, «le nombre d’arbres considérés comme sains est passé de 35 % à 26 % et parmi ceux-ci, il semble que ce soient surtout les frênes et les hêtres qui sont en mauvaise posture» s’inquiètent les députés déi gréng Henri Cox et Gérard Anzia, dans une question adressée fin septembre à la ministre de l’Environnement.

D’après certaines études, le frêne pourrait bien avoir disparu de nos forêts d’ici 10 à 20 ans. La moitié des hêtres, l’arbre le plus répandu au Luxembourg, sont décrits comme «nettement endommagés». Bigre! Les trois quarts des arbres du pays seraient donc en péril?

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Frank Wolter, le directeur de l’administration de la Nature et des Forêts, confirme ces chiffres, tirés de l’inventaire annuel sur l’état sanitaire des forêts. Mais il se montre bien plus rassurant : « Il y a quatre stades pour les arbres : sain, légèrement endommagé, moyennement endommagé et nettement endommagé/dépérissant. Or ce chiffre de 26 % correspond aux arbres parfaitement sains. Vous pouvez imaginer que c’est très rare dans la nature. Donc tous les autres ne sont pas forcément mourrant. Il ne faut pas dramatiser à outrance. Il n’y a pas 30 % de la forêt qui va disparaître. »

Reste que « d’une manière générale, on a le problème que la forêt souffre des aléas climatiques des dernières années, notamment de longs étés secs », constate Roger Schauls, le vice-président du Mouvement écologique (Méco). Quatre arbres, en particulier, sont dans un état plus ou moins préoccupant : l’orme, le hêtre, le frêne et l’épicéa.

Frank Wolter : « Oui, en tant que forestiers, on n’est pas satisfaits. À partir des années 80, avec l’apparition des pluies acides, on a vu une dégradation importante des forêts. Aujourd’hui, on est dans une stagnation, on ne récupère pas l’état d’avant, mais ça ne se dégrade plus comme avant. » Il poursuit : « On est dans une phase de changement climatique. La résilience, la capacité de l’arbre à résister aux effets de l’environnement, est en train de baisser à cause de la pollution et du réchauffement. »

Il ajoute : « On voit les preuves du changement climatique. Presque tous les ans, on a des tempêtes locales qu’on n’avait pas avant. On a des hivers avec trop de précipitations ou, à l’inverse, des étés trop secs. »

Winfried Von Loë, du Lëtzebuerger Privatbësch : « La santé des arbres est faible, sans doute. Mais le problème, c’est qu’on manque de recul. Car le Luxembourg a peut-être connu d’autres épisodes similaires dans le passé, et on n’a pas toujours eu des statistiques aussi précises. »

«Des dépérissements en permanence»

« Nos recherches prouvent qu’il y a plus de 200 ans, il y a eu un dépérissement important du chêne. Donc, des épisodes de climat dérégulé ont déjà eu lieu dans le passé. Mais c’était des épisodes exceptionnels, alors qu’aujourd’hui, on a des dépérissements en permanence. » D’où cette mise en garde de Winfried Von Loë : « Notre conseil aux propriétaires forestiers, c’est de ne pas se spécialiser. Il faut avoir une diversité d’arbres pour répondre aux aléas du marché et du climat. »

Romain Van Dyck