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Armée, police : la force publique se rebiffe


L'uniforme perd de son prestige. La force publique fait face à un sérieux problème d'effectifs qui, combiné à un management catastrophique des équipes, la mènerait à sa perte, selon le SPFP. (illustration Julien Garroy)

Rien ne va plus au sein de la force publique. Lassés d’alerter à propos de la situation, ses représentants syndicaux dénoncent et annoncent des représailles.

Engagez-vous, qu’ils disaient ! Tels les légionnaires romains après avoir croisé les poings d’Obélix, les porteurs d’uniforme de la fonction publique (militaires, policiers, douaniers, facteurs, gardiens de prison) déchanteraient de plus en plus au fur et à mesure de la dégradation de leurs conditions de travail. Cadres et officiers n’hésiteraient pas à rendre les armes et les nouvelles recrues peineraient à grossir les rangs malgré une baisse des critères de recrutement.

L’uniforme a perdu de son prestige et à moins d’un changement de stratégie et d’une prise de conscience à la fois du gouvernement et des administrations, selon le syndicat, il n’est pas près de redorer ses galons.

S’engager pour protéger sa patrie ou pour être réorienté dans l’administration publique après avoir servi dans l’armée, ce ne serait plus des arguments suffisamment lourds, selon les membres du syndicat, pour faire pencher la balance. Les jeunes peuvent avoir accès à ces postes sans être passés par Diekirch.

L’armée luxembourgeoise manque de bras mais aussi de personnels qualifiés capables de manœuvrer du matériel de plus en plus pointu. Elle souffrirait d’une perte d’identité et ne serait plus en mesure de proposer des perspectives de carrière à ses recrues. «La force publique aura bientôt plus de véhicules que d’hommes», selon le Syndicat professionnel de la force publique (SPFP). Des pistes ont été explorées par le syndicat, comme la création d’une «filière en uniforme» dans l’enseignement secondaire pour donner un aperçu des métiers de la force publique dans tous les groupes de traitements ou la possibilité pour les recrues de passer un diplôme de fin d’études secondaires durant leur service sous les drapeaux.

Le syndicat n’en oublie pas pour autant les jeunes pour qui l’armée et ses apprentissages représentent une alternative à l’enseignement secondaire classique.

La guerre est déclarée

La situation n’est guère plus enviable du côté de la police. «Plus rien ne fonctionne», alerte Pascal Riquier, le président du syndicat. «La police dégringole tout doucement.» Ce ne serait pourtant pas faute d’alerter sur la situation, mais «nous ne sommes pas pris au sérieux par le gouvernement depuis des années». Comme les représentants de l’armée qui se sentent abandonnés par l’état-major, ceux de la police regrettent l’inertie de leur direction. «Nous ne voulons plus supporter l’idiotie et l’incompétence de notre direction générale et des directions régionales et allons dénoncer toutes les irrégularités à l’Inspection générale de la police et l’irrespect des lois auprès du parquet», prévient Pascal Riquier.

La guerre est déclarée. La force publique ne supporte plus le silence de l’administration et du gouvernement. Elle craint pour la sécurité des hommes sur le terrain et des citoyens. Notamment en raison d’une accumulation vertigineuse des heures supplémentaires (443 fois plus de 10 heures prestées sur quatre mois et 90 fois plus de 12 heures par le service de garde et de protection qui compte 70 personnes) et d’une diminution des heures de repos. Pascal Riquier donne en exemple les motards de la police qui accompagnaient le couple royal belge lors de sa visite d’État le mois passé. Ils auraient travaillé 17 heures par jour pendant trois jours. Il ne s’agirait pourtant pas d’un manque d’effectifs, mais bien d’un problème d’organisation également constaté lors de l’audit de la police grand-ducale. Ces procédures seraient parfaitement illégales tant du point de vue du droit européen que des accords internes à la police. Des réformes s’imposent.

Le SPFP tire à boulets rouges sur la hiérarchie, des cadres aux ministres en passant par la direction qui tairait ces chiffres et présenterait des bilans plus que positifs. Il demande au ministre de la Sécurité intérieure, François Bausch, de démettre de leurs fonctions deux cadres responsables de l’organisation en particulier et de les soumettre à une enquête de l’inspection générale de la police.Quant aux pistes et décisions pour sauver la force publique du marasme dans lequel elle s’enfonce, le syndicat a décidé de se réunir à huis clos au début de l’année prochaine avec tous les syndicats représentant la force publique. Pascal Riquier explique : «Nous ne passerons plus par l’administration étant donné que le sujet ne l’intéresse pas.»

Sophie Kieffer

La tête du général Duschène demandée

Dénonçant un abus de pouvoir, le SPFP a demandé mardi la démission du général Alain Duschène, chef d’état-major de l’armée luxembourgeoise. Le syndicat lui reproche d’avoir obtenu la mutation de Christian Schleck, son vice-président et président du syndicat de l’armée luxembourgeoise, et d’avoir effectué des pressions sur ce dernier en raison de son engagement syndical.

«Nous ne nous rendrons pas tant qu’une enquête disciplinaire ne sera pas menée», a affirmé Pascal Riquier.