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Nouvelle escalade militaire en Syrie après la mort d’au moins 33 soldats turcs


Les soldats turques soutiennent certaines factions rebelles au régime syrien, comme ici dans la province d'Idleb. (Photo / AFP)

Le nord-ouest de la Syrie était le théâtre d’une brusque escalade militaire vendredi après la mort d’une cinquantaine de combattants dans des affrontements entre forces turques et syriennes, Ankara réclamant l’appui des Occidentaux avec un appel à l’Otan et menaçant d’ouvrir les frontières aux migrants.

Seize combattants du régime syrien ont été tués par des bombardements turcs menés en représailles à la mort d’au moins 33 soldats jeudi dans la région d’Idleb dans des frappes aériennes attribuées par Ankara à Damas, a rapporté vendredi l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Cette brusque poussée de fièvre risque d’aggraver encore la situation humanitaire déjà catastrophique à Idleb, où plusieurs centaines de civils ont été tués et près d’un million de personnes déplacées ces derniers mois par l’offensive qu’y mène depuis décembre le régime de Damas appuyé militairement par Moscou.

Les Nations unies ont appelé à un cessez-le-feu immédiat, soulignant que le « risque d’une escalade encore plus grande augmentait d’heure en heure ». Dans ce contexte, le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a annoncé une réunion en urgence vendredi des ambassadeurs des 29 pays de l’Alliance, à la demande de la Turquie, en vertu de l’article 4 du traité qui peut être invoqué par un allié estimant son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité menacée.

A Ankara, la présidence turque a en outre exhorté la communauté internationale à mettre en place une zone d’exclusion aérienne à Idleb pour clouer au sol les avions du régime syrien et de Moscou qui pilonnent la région depuis plusieurs mois. Dans une apparente tentative de faire pression sur l’Union européenne pour obtenir davantage de soutien, Ankara a en outre annoncé qu’il ne stopperait plus les migrants qui cherchent à se rendre en Europe depuis la Turquie. « Nous ne retiendrons plus ceux qui veulent se rendre en Europe », a déclaré vendredi un haut responsable sous couvert d’anonymat, réveillant le spectre d’une grave crise migratoire comme celle qui a secoué le continent européen en 2015.

Un fossé entre Ankara et Moscou

Selon les médias turcs, des groupes de migrants se dirigeaient vendredi matin en direction de la frontière avec la Grèce dans l’ouest de la Turquie, certains affrétant des bus depuis Istanbul.
L’agence de presse DHA a rapporté qu’environ 300 migrants syriens, irakiens ou encore iraniens étaient arrivés dans la province d’Edirne, à la frontière grecque. Et les chaînes de télévision turques montraient des groupes de quelques dizaines de personnes, dont des femmes et des enfants, sac sur le dos ou sur la tête, en train de marcher le long d’une autoroute en direction de la frontière grecque.

Athènes a pour sa part immédiatement annoncé le doublement de ses patrouilles à la frontière turque. La Turquie accueille sur son sol quelque quatre millions de migrants et réfugiés, syriens pour la plupart, et redoute un nouvel afflux depuis Idleb, où plus de 900 000 personnes se sont réfugiées près de la frontière turque depuis trois mois, selon l’ONU. Les affrontements entre forces turques et syriennes ont aussi creusé un fossé entre Ankara et Moscou lesquels, en dépit de leurs intérêts divergents, avaient renforcé leur coopération ces dernières années. Vendredi, le ministère russe de la Défense a affirmé que les soldats turcs tués jeudi avaient été touchés car ils se trouvaient parmi des « unités combattantes de groupes terroristes ».

Affirmant que la Turquie n’avait pas communiqué la présence de ses troupes dans la zone concernée et qu’elles « n’auraient pas dû s’y trouver », le ministère russe a en outre affirmé que les forces aériennes n’avaient « pas été utilisées dans cette zone ». S’engouffrant dans la brèche ouverte par ces tensions, les États-Unis ont appelé la Turquie à voir « la Russie telle qu’elle est vraiment » et à renoncer aux systèmes russes de défense antiaérienne S-400.

Choc et colère de la presse turque

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui ne s’est pas encore exprimé publiquement depuis la mort des 33 soldats turcs, a convoqué dans la nuit de jeudi à vendredi un conseil de sécurité extraordinaire à Ankara. Vendredi matin, la presse turque faisait part de son choc et de sa colère, certains journaux proches du pouvoir appelant à la « vengeance ». Les tensions n’ont cessé de croître ces dernières semaines à Idleb, avec plusieurs affrontements entre les forces turques et syriennes qui ont fait au total 53 morts dans les rangs des forces d’Ankara en février. Sur le terrain, le régime syrien et son allié russe ont mis les bouchées doubles ces dernières semaines et repris plusieurs localités dans cette province frontalière de la Turquie.

Cependant, les groupes rebelles, dont certains sont appuyés par Ankara, ont contre-attaqué et repris jeudi la ville stratégique de Saraqeb, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme. En reprenant la ville, jihadistes et rebelles coupent l’autoroute M5 reliant la capitale Damas à la métropole d’Alep. Sept civils, dont trois enfants, ont péri jeudi dans des bombardements syriens et russes sur la province d’Idleb, selon l’OSDH. Depuis décembre, plus de 400 civils ont été tués dans l’assaut selon l’OSDH. Déclenchée en mars 2011 par la répression de manifestations pacifiques, la guerre en Syrie a fait plus de 380 000 morts.

LQ/AFP