Passerelle à vélo du pont Adolphe : elle n’a tenu qu’à un fil…

La passerelle à vélo sous le pont Adolphe sera inaugurée dimanche. Un projet audacieux qui a failli ne jamais voir le jour ! Jo Simon, citoyen-cycliste de la ville, raconte les coulisses.

Jo Simon. (photo Hubert Gamelon)

Le dessin est méticuleux, à la règle, agrémenté de mesures précises. On devine la main d’un ingénieur. «J’ai dirigé Sudgaz pendant des années», sourit Jo Simon. Le dessin représente le pont Adolphe. En dessous, dès 2007, une piste pour les vélos. «L’idée de rénover le pont Adolphe était déjà à l’ordre du jour. Les Ponts et Chaussées avaient organisé une table ronde. La conclusion ? On peut faire une piste sur le pont, en remplacement d’une voie de voiture, ou rien.» Sous-entendu, les trottoirs sont trop petits pour les amputer à la faveur du vélo. «Personne n’avait pensé à une piste sous le pont !», s’étonne encore Jo, avec ses yeux pétillants d’intelligence.

L’architecture à double arche du pont, imaginée par Paul Séjourné, est pourtant inédite. Entre les deux, la possibilité d’une passerelle large de quatre mètres. Ni une ni deux, Jo Simon, alors responsable à la Lëtzebuerger Vëlos-Initiativ (LVI) et lui-même cycliste, sort ses feuilles et son portemine. Il veut soumettre sa vision d’avenir. «J’avais même pris en compte l’aspect visuel, se souvient-il. Avec l’écrasement du soleil, la piste cyclable était presque toujours dans l’ombre du tablier. Elle ne déformerait en rien l’allure historique de l’ouvrage.»

Après quelques semaines de travail, les plans sont déposés sur le bureau du ministre des Transports de l’époque, Claude Wiseler. «Le ministre nous avait accordé une entrevue polie. Je m’y étais rendu avec le président de la LVI.» Sans grand espoir, à vrai dire. «Le projet était un peu fou», assume Jo Simon. Et la réponse du ministre un peu floue. Un non à demi-mot. «Nous n’avions pas insisté», reconnaît Jo Simon. Fini, le beau projet de piste de vélo sous le pont, essentielle sur l’axe vers la gare. Un coup de génie qui restera dans un carton !

2013 : Bausch en vert et contre tous

À la suite des élections législatives d’octobre 2013, le ciel s’éclaircit. François Bausch (déi gréng) remplace Claude Wiseler. Envers et contre tous, le nouveau ministre obtient la révision des plans de rénovation du pont de justesse. «Ça s’est joué à trois semaines près !», souffle encore François Bausch aujourd’hui. Rapidement, les critiques pleuvent. On reproche au nouveau gouvernement de déformer un édifice historique : le pont Adolphe (1903) symbolise la première réalisation d’un pays fraîchement émancipé de la tutelle de ses voisins (1867).

«Tous les plans ont été validés par les Sites et Monuments, balaye François Bausch. Évidemment, que nous avons du respect pour un tel ouvrage…» Plus que du respect, la piste, qui sera inaugurée dimanche avec une grande fête, apparaît comme le prolongement de l’œuvre originelle : l’importance de relier le plateau Bourbon à la ville historique pour le train à vapeur, à l’époque. L’importance de favoriser les moyens de transport alternatifs à la voiture, aujourd’hui.

Derrière ses petites lunettes, Jo Simon conclut : «Les Français ont bien mis une antenne sur la tour Eiffel, elle n’en reste pas moins le monument phare de Paris… n’ayons pas peur. Le pont Adolphe, avec sa piste cyclable en dessous, restera toujours le pont Adolphe !»

Hubert Gamelon