Avec 122 nationalités, la Métropole du fer brasse toutes les cultures. En cette période de fêtes, quatre Eschois racontent les Noëls dans leur pays d’enfance. Rencontre ici avec Luz-Maria dans son café homonyme aux couleurs de la République dominicaine.
Elle s’appelle Luz-Maria Mercedes, «comme la voiture», et reçoit avec du champagne au milieu de l’après-midi. « C’est du crémant luxembourgeois », précise-t-elle. Seules bouteilles locales dans un univers exotique à souhait : le café Luz-Maria, bariolé aux couleurs de la République dominicaine, qu’elle tient depuis deux ans rue du Clair-Chêne, à Esch-sur-Alzette.
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Il n’y a pas de mots pour décrire cette femme hors du commun. Face à elle, on se sent comme Kapuscinski dans son célèbre roman Ébène : une «pièce rapportée», un fantôme sans saveur contre une explosion des couleurs. Disons-le tout net : comme ses deux filles Ricio et Jasmine, Luz-Maria profite à 100 % de la vie. « Les Noëls de mon enfance commençaient dès le mois de novembre , lâche-t-elle d’entrée de jeu. J’ai grandi à Billa Maria, un village populaire de l’île. On y parle le castillan, comme l’ancien colonisateur, et on y fête Noël dans une grande ferveur. »
Plus qu’une fête familiale, Noël est avant tout un évènement populaire, dans la grande tradition des célébrations caribéennes. « Dès le mois de novembre donc, les habitants décoraient les rues du village. Beaucoup de paillettes, de guirlandes qui brillent… Mais la mairie n’investissait pas d’argent comme ici, c’était les habitants! »
Pour Luz-Maria et ses six frères et sœurs, c’était un plaisir de faire de la rue la plus belle du village. Une insouciance qui a bercé son enfance. « Mon papa était maître d’œuvre et ma maman femme au foyer. La République dominicaine est proche de Haïti, nous vivions avec peu d’argent. Mais je n’ai pas de mauvais souvenirs, encore moins à Noël. Tout le monde vivait avec la même chose, je n’ai jamais eu de frustrations. »
Ambiance de carnaval
Le dernier week-end de décembre, une drôle de parade se jouait, aussi importante que l’allumage de la dernière bougie de l’avent ici. « On appelle ça « aguinaldo » , explique Luz-Maria. Une bande de musiciens va de maison en maison, entraînant tous les voisins sur son passage. À la fin, on se retrouve sur la place du village et on fait la fête! » Des boissons à base de gingembre étaient distribuées pour tenir tard dans la nuit. « Les musiques que l’on joue sont la bachata, le meringue, la salsa… et nous avons des chansons réservées à Noël. » La plus connue est Alegre vengo de la montagna . Devant notre air interrogateur, Luz-Maria (qui, entre-temps, a sorti du bon rhum!) balance la fameuse chanson. On est loin de Stille Nacht . Les chants sonnent plutôt comme une musique de carnaval! « Ça parle de la Nativité, du père Noël… À 55 ans, je crois encore au père Noël, vous savez? Mes parents m’ont élevée comme ça .»
Le soir de Noël, la famille préparait une farandole de plats assez incroyable : porcelet, salade russe, riz coco, fèves rouges, poulet grillé assaisonné d’une sauce «ranchero» très relevée, fruits de saison soit mangue, banane, canne à sucre… on s’y perd! « On préparait Noël au barbecue, en cuisine, avec tous les moyens », sourit Luz-Maria.
Sans oublier d’arroser tout cela. Les deux rhums stars de l’île sont le brugal et le Mama Juana, sans oublier la crema d’oro, sorte de punch liquoreux. Mieux vaut essorer tout cela avec quelques Présidente, une bière blonde très rafraîchissante! Arrivée au Luxembourg en 1995, Luz-Maria ne regrette pas son île natale. Elle est tombée « amoureuse du pays .»
Elle aurait pu rejoindre sa sœur Andrea en Suisse, reine des nuits de Zurich visiblement. « Mais Esch-sur-Alzette, même quand il fait gris, c’est très bien. Avec ma fille Rocio, on organise des soirées au café : bachata, meringue, rhum, la famille. On fait notre soleil nous- mêmes. »
Hubert Gamelon