Depuis un mois, Caritas propose une halte de nuit aux «plus vulnérables» dans le quartier Gare. Visite sur place.
Ils sont tous sans domicile fixe. Ils (dix au maximum) peuvent désormais passer un moment au chaud dans la halte de nuit, ouverte il y a un mois dans le quartier Gare et gérée par Caritas. Il est 21h30, dans une maison du quartier Gare de Luxembourg. Pascal Lambertz (44 ans) s’active. L’éducateur gradué de Caritas Luxembourg se trouve dans la cuisine du 2e étage de la maison pour préparer le café, des ingrédients pour faire des sandwichs… Il vérifie aussi la liste des pensionnaires du soir (neuf noms sont inscrits : huit hommes et une femme), établie par les streetworkers, qui sillonnent toute la journée les rues de la capitale pour aller à la rencontre des sans-abri. Pascal Lambertz est vite rejoint par Arthur (31 ans), un autre éducateur, et un agent de sécurité. Il est 22 h 03, on sonne à la porte… Un premier sans-abri entre. Il est très vite suivi par cinq autres. Bienvenue à la (première) halte de nuit de la capitale.
Ouverte le 10 avril dernier, la structure, nommée «Nuetswaach L’Espoir», accueille, chaque nuit de 22 h au lendemain 6 h, les sans-abri «les plus vulnérables», indique Andreas Vogt, le directeur de Caritas Accueil et Solidarité. «En raison de leur état de santé ou de leur état mental, ils ne peuvent pas aller au foyer Ulysse, poursuit-il. Ici, c’est ouvert à tout le monde et toute la nuit.» Les six premiers sans-abri de ce soir-là sont tous sans domicile fixe, tous sont marqués par la vie, certains par l’alcool, d’autres par la drogue ou encore par une santé mentale défaillante. Certains montent dans la cuisine pour boire un café ou un thé, manger un sandwich. Mais la majorité reste au rez-de-chaussée de la maison, où sont installés dix «transats» chacun muni d’une couverture. L’un d’entre eux dit tout simplement : «Je suis fatigué.»
«Je me sens bien ici»
Hamza (19 ans) est aussi «fatigué», mais en buvant son thé, il prend un peu de temps pour se confier : «Mon histoire est très longue et compliquée. Je n’ai pas trop envie de rentrer dans les détails. Je suis très dépressif depuis plusieurs années (NDLR : il souffre de problèmes psychiques) et je ne suis plus trop en contact avec ma famille. Voilà, je vis dans la rue. Je retourne de temps en temps dans ma famille, mais pas très longtemps parce que cela ne se passe pas bien. Depuis trois semaines, je viens ici pour me reposer. C’est calme et tranquille. Je me sens bien ici.»
Dans la chambre réservée aux femmes (deux places), une dame range ses affaires et on essaye de l’aborder. Pascal Lambertz nous arrête : «Elle ne vous parlera pas. J’ai mis deux semaines à entrer en contact avec elle. Il est parfois difficile d’établir un lien avec eux. Mais c’est notre travail. Nous sommes ouverts depuis un mois et nous avons déjà quelques habitués avec qui nous commençons à créer une relation.» Andreas Vogt complète : «Chacun est dans son univers. Nous ne les obligeons pas à nous parler, ni à faire des démarches. C’est à eux de venir vers nous pour nous demander des conseils.»
Le directeur de Caritas Accueil et Solidarité poursuit en soulignant que «cette halte de nuit vise à mettre à l’abri les plus marginalisés qui ne peuvent ou ne veulent pas être hébergés dans des structures existantes. À l’image du centre de jour bas-seuil « Le Courage », cette structure permet aux personnes de se reposer pendant la nuit, de se réchauffer, de se laver, de manger et de boire. Leur propre alcool y est accepté et l’accompagnement par un chien y est toléré (NDLR : il y a un endroit pour les chiens pour les chiens). La halte de nuit est à mi-chemin entre la rue et l’hébergement.»
Et, pour le moment, tout se passe bien. «Je suis satisfait et confiant, note Andreas Vogt. Nous sommes complet presque tous les soirs, cela signifie bien que cette offre correspond à une demande. Et nous n’avons aucun incident à déplorer. Ni l’agent de sécurité ni la police n’ont eu à intervenir. Les voisins ne se sont pas plaints.»
Il est un peu plus de 23 h, Hamza sort de la douche, dit «bonsoir» à tout le monde avant d’aller se coucher. Trois autres sans-abri vont arriver dans le courant de la nuit. Certains, s’ils le souhaitent, peuvent partir durant la nuit ou se lever pour discuter avec les éducateurs, boire un coup, manger ou encore aller prendre l’air dans le jardin de la halte de nuit. Pour tous, le réveil est programmé à 5 h 40, dernier délai. Tous doivent avoir quitté les lieux à 6 h. En attendant, bonne nuit tout le monde!
Guillaume Chassaing