Cuisinier à La Mirabelle, à Luxembourg, le candidat de Top Chef Thomas Murer a concocté mardi midi un menu spécial pour la presse, composé de plats qui lui valent d’être toujours en lice dans le concours. Une dégustation très convaincante.
Le tourbillon médiatique de l’aventure Top Chef lui apportera sans doute un peu de notoriété et quelques opportunités. Mais Thomas Murer le sait : tout au long de sa carrière, sa réussite dépendra avant tout de la qualité de sa cuisine. C’est pour cela qu’après quatre semaines de concours, son épouse Emeline, chef de salle à La Mirabelle, a pris l’initiative d’organiser un déjeuner « Top Chef » dans le restaurant de la place François-Joseph Dargent, à Luxembourg-Ville. Pour permettre à Thomas d’exprimer et de partager son talent de chef, et non plus de simple second de cuisine, à travers plusieurs créations originales de sa propre signature.
L’œuf croustillant qui a séduit les chefs
L’entrée est déjà passée à la postérité, puisqu’il s’agit de l’œuf mollet croustillant qui a permis à Thomas de sauver sa place dans le concours en 2e semaine, récoltant en prime un « coup de cœur » du jury (retrouvez sa recette). Les chefs de l’émission de M6 ne s’y sont pas trompés : au-delà de la technicité requise pour garder le jaune d’œuf coulant, textures et saveurs font merveille avec une brioche façon pain perdu et un subtil velouté de chou-fleur à la fève tonka, réveillés par des pickles d’oignons rouges, une fleur de pensée et quelques mûres fraîches.
À suivre, la timbale de bucatini, un plat imaginé par Thomas dans la toute première épreuve de Top Chef sur le thème des pâtes. Le visuel est original et impeccable. Garnie d’une Saint-Jacques et d’une brunoise al dente de potiron, la couronne de pâtes est recouverte d’un biscuit fin, et baigne dans une puissante crème de bisque safranée. Goûteux. Une fleur de bourrache et des pétales de souci rappellent l’amour de Thomas pour les végétaux, cultivé dans le restaurant étoilé de sa belle-famille à Riquewihr (La Table du Gourmet), dans son Alsace natale.
Le pigeon dans tous ses états
Petite pause glacée avec un sorbet Mojito, puis vient le plat de résistance, avec un pigeon « dans tous ses états », au dressage très graphique. Le volatile, qui revient à la mode, avait permis à Thomas de gagner sa place dans Top Chef lors d’une épreuve de sélection. « Je l’avais dressé sur un morceau de bois brut », se souvient-il. Thomas est un homme de la terre, qui aime la nature sauvage, et sa cuisine s’en ressent. C’est lui qui a la – lourde – responsabilité des sauces et des viandes à La Mirabelle. « On a parfois quinze casseroles de sauces différentes sur le feu », confie-t-il.
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Son assiette de pigeon est magnifique, avec une cuisse confite durant quatre heures dans un beurre noisette, un filet à la belle cuisson rosée et un gâteau de foie succulent au cognac. Puisque rien ne se perd, Thomas a réalisé un jus de pigeon façon gastrique caramel et vinaigre.
En accompagnement : des carottes confites, une purée de pommes de terre et un petit chou farci de veau et de porc lesté d’un cube de foie gras (là encore un clin d’œil à une épreuve de Top Chef). Les papilles ont encore droit à des cubes de gelée à la mûre, façon pâte de fruit, quelques pop-corn et autres feuilles de chou de Bruxelles croquantes. Beaucoup de travail engagé, comme diraient Etchebest et consorts, une belle maîtrise technique et des goûts parfaits. Bravo.
Emeline, le même talent au service
Thomas et son équipe ont ponctué ce déjeuner spécial par deux desserts légers et très agréables. D’abord une audacieuse mousse de betterave, glace au yaourt et framboises, meringue et atsina cress (herbe aromatique au puissant parfum de réglisse). Puis un chocolat liégeois revisité, très aérien, acidulé par une gelée passion.
Passé par plusieurs tables étoilées (dont L’Auberge de l’Ill du chef Marc Haeberlin), le jeune cuisinier de 27 ans, qui veut rapidement devenir chef, a toutes les cartes en main pour réussir : des idées, de la technique et un certain talent empreint d’humilité et de générosité. Mais aussi une femme, Emeline, dont le soutien semble sans faille, et qui fait montre du même talent dans son domaine, le service. Rappelez-vous, La Table du Gourmet, en Alsace, c’est là qu’elle a grandi. Autant dire que leur petite fille de 17 mois a toutes les chances de tomber dans la marmite.
Sylvain Amiotte