Philippe Graffart, un Belge qui a travaillé au Grand-Duché, a tué son fils de 5 ans, en octobre 2015 à Singapour. Pourtant passible de la peine de mort, il encourt dix ans de prison grâce au plaider-coupable. La mère déplore cette mansuétude pour «un assassinat».
En 2008, l’histoire de Gwendoline et de Philippe a commencé par un coup de foudre au Luxembourg. Huit ans plus tard, le 22 août prochain, le financier connaîtra sa condamnation pour le meurtre de leur fils Keryan, 5 ans, à Singapour.
Le 6 octobre 2015, sur fond de séparation difficile, le Liégeois de 42 ans lui a administré un somnifère avant d’étouffer l’enfant au moyen d’un oreiller. Découvert dans un état second devant la porte d’un commissariat après avoir tenté de se suicider en voiture, le père est mis en cause initialement pour assassinat et encourt la mort par pendaison. La préméditation s’évanouit cependant dès que le quadra belge passe aux aveux et plaide coupable dans le cadre d’une procédure express sans procès.
Neuf mois après les faits et alors que le dossier arrive à son terme, Gwendoline, 40 ans, la mère de Keryan, dénonce un «simulacre de justice». «Aujourd’hui, Philippe risque au maximum dix ans de prison. Le dossier monté par le procureur est essentiellement à décharge. Sans contre-expertise psychiatrique, alors que la première analyse, après le meurtre, retient juste sa dépression. Je n’ai même pas été entendue par le praticien. La justice ne connaît pas la vraie personnalité de Philippe. Impossible de corriger ce portrait de père dépressif qui commet un coup de folie dans un pays où les parties civiles n’existent pas», souffle la Parisienne qui a travaillé dix ans dans le prêt-à-porter au Luxembourg.
«Si tu obtiens la garde de Keryan, je te tue»
En septembre 2013, la petite famille s’envole pour Singapour où Philippe Graffart a décroché un poste de haut niveau dans sa banque. Le couple se déchire et, explique-t-elle, la rupture est consommée lorsqu’il commence à la battre. Après la séparation et alors que la maman a demandé la garde de Keryan, son mari la menace de mort. «Si tu obtiens la garde de Keryan, je te tue, je te tue. Je trouverai un moyen de te tuer», a-t-elle enregistré lors d’une conversation.
Souffrant d’un cancer du sein, elle rentre en France avec Keryan. Elle reçoit «325 SMS en 24 heures». Quand elle retourne à Singapour, la situation empire. Fin juillet 2015, Gwendoline obtient un ordre de protection d’urgence de la justice singapourienne mais son mari conserve la garde partagée. «Là aussi, il y a des failles, des manques dans la protection de Keryan. Il y a eu tellement d’indices, d’alertes. Jusqu’à ce que Keryan meure», plaide Gwendoline, frustrée également du «peu de soutien de la diplomatie française».
Plus de 4 000 signatures ont été recueillies sur la pétition ouverte il y a cinq jours sur change.org. Gwendoline pointe l’immobilisme de la France après de nombreuses sollicitations du Quai d’Orsay et même du président François Hollande. En mai dernier, une information judiciaire pour assassinat a été ouverte à Paris. «Six mois après les faits ! Mais le temps de la justice est si lent. La juge a été nommée en juillet et le 22 août, le dossier sera bouclé», s’impatiente la maman de la jeune victime. «Je demande une peine juste pour un meurtre avec préméditation. C’est en septembre 2015 qu’il achète le calmant qui servira à endormir Keryan. Philippe n’avait jamais eu besoin de cachets. La diplomatie française ne peut pas se contenter d’une enquête avec tant d’insuffisances après la mort violente d’un de ses ressortissants», proteste la jeune femme. Il s’appelait Keryan et il avait 5 ans.
Alain Morvan (Le Républicain Lorrain)
Effrayant !