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Simone Veil ou la mémoire de la Shoah


Au crépuscule de sa vie, débarrassée de toute fonction politique, elle avait choisi de consacrer l'essentiel de son énergie à la Fondation pour la mémoire de la Shoah créée en 2000. (photo AFP)

Grande européenne, féministe convaincue, Simone Veil, rescapée des camps de la mort où elle avait été déportée à 16 ans, a incarné pour les Français la mémoire de la Shoah. Elle est décédée ce vendredi matin à l’âge de 89 ans.

« Soixante ans plus tard, je suis toujours hantée par les images, les odeurs, les cris, l’humiliation, les coups et le ciel plombé par la fumée des crématoires », racontait Simone Veil dans un entretien télévisé diffusé à l’occasion du 60ème anniversaire de la libération des camps.

Au crépuscule de sa vie, débarrassée de toute fonction politique, elle avait choisi de consacrer l’essentiel de son énergie à la Fondation pour la mémoire de la Shoah créée en 2000.

Première présidente – désignée par Lionel Jospin, alors Premier ministre – de cette fondation chargée de transmettre le souvenir de la Shoah aux générations futures, mais aussi d’en améliorer la connaissance historique, Simone Veil en était restée présidente d’honneur.

« Comme tous mes camarades, je considère comme un devoir d’expliquer inlassablement aux jeunes générations, aux opinions publiques et aux responsables politiques, comment sont morts six millions de femmes et d’hommes dont un million et demi d’enfants, simplement parce qu’ils étaient nés juifs », expliquait-elle sobrement devant l’Assemblée générale de l’Onu en 2007.

La déportation à Auschwitz, avec sa mère et sa sœur

Arrêtée par la Gestapo à Nice, le 30 mars 1944 alors qu’elle venait juste de passer son bac, elle avait été déportée en compagnie de sa soeur Milou (Madeleine) et de sa mère, Yvonne Jacob, d’abord à Drancy puis à Auschwitz. Elle n’avait appris que plus tard que son autre soeur, Denise, avait elle-même été déportée en tant que résistante à Ravensbrück. Son père et son frère Jean disparaîtront dans la tourmente, en Lituanie, sans que l’on en connaisse les circonstances exactes.

Jeunes et robustes, Simone Veil et sa soeur ne devront leur survie qu’au fait d’avoir été employées pour les usines Siemens à Bobrek, un sous-camp du complexe d’Auschwitz-Birkenau.

Devant l’avancée des troupes soviétiques, en janvier 1945, elles seront évacuées vers Bergen-Belsen. C’est là qu’Yvonne Jacob, épuisée et atteinte du typhus, décèdera, le 15 mars, un mois à peine avant la libération de ce camp par les Anglais.

« Ostracisme diffus »

De retour en France, Simone Jacob (elle n’épousera Antoine Veil qu’en 1946) ressentira « un ostracisme diffus qui ne disait pas son nom… », écrira-t-elle, 60 ans plus tard, dans son autobiographie, « Une vie » (2007, 550.000 exemplaires vendus).

« Beaucoup de nos compatriotes voulaient à tout prix oublier ce à quoi nous ne pouvions nous arracher… Nous souhaitions parler mais on ne voulait pas nous écouter », note-t-elle en évoquant son retour de déportation avec sa soeur Milou. « En revanche Denise, rentrée un peu avant nous avec l’auréole de la Résistance, était invitée à faire des conférences ».

« Pour les anciens déportés que nous sommes, il n’y a pas de jours où nous ne pensions à la Shoah », confiait Simone Veil.

Aussi, une fois sa carrière de magistrate puis de femme politique accomplie, elle parle enfin de l’Holocauste, tente d' »énoncer les raisons pour lesquelles on ne peut plus s’en détacher ».

« Nous n’étions que des victimes honteuses, des animaux tatoués. Il nous faut donc vivre avec ça », écrivit-elle dans son autobiographie.

Et comme beaucoup d’anciens déportés, avant que les derniers survivants ne disparaissent, elle avait décidé de témoigner devant les nouvelles générations.

Elle refaisait le chemin. Elle récusait la thèse de la banalité du mal énoncée par Hannah Arendt qu’elle considérait comme un « masochisme d’intellectuels » et voulait croire aux « Justes, ces hommes qui n’attendaient rien mais qui n’en ont pas moins couru tous les dangers pour sauver des Juifs ».

C’est grâce à eux, soulignait-t-elle, que même si 76.000 Juifs français ont été déportés – seuls 2.600 sont revenus -, les trois quarts ont été sauvés.

Le Quotidien / AFP