Les liens de famille au sein du gouvernement portugais font polémique au point que le Premier ministre Antonio Costa a dû vendredi rejeter les accusations de népotisme.
« Ce n’est pas parce qu’on appartient à la même famille qu’on a forcément le même avis sur tout », s’est défendu le Premier ministre socialiste dans un entretien à la radio d’information TSF et au journal Diario de Noticias qui paraît ce samedi. « L’endogamie au sein du gouvernement exige un débat sérieux », titrait vendredi dans son éditorial le directeur du quotidien de référence Publico, Manuel Carvalho. « Cette endogamie conduit à un repli sur soi qui nuit à la qualité de la vie publique », a-t-il regretté.
Lors de son dernier remaniement ministériel à la mi-février, Antonio Costa a promu la secrétaire d’État adjointe au Premier ministre, Mariana Vieira da Silva, au poste de ministre de la Présidence du conseil des ministres alors que son père, José Antonio Vieira da Silva, est ministre de l’Emploi depuis la formation du gouvernement, en novembre 2015. Vieux routard de la vie politique portugaise, cet économiste de 65 ans avait déjà été ministre de l’Emploi puis ministre de l’Économie sous les précédents gouvernements socialistes de José Socrates (2005-2011).
Appel à la « sanction politique »
Après la deuxième vague de feux de forêt qui ont fait plus d’une centaine de morts en 2017, Eduardo Cabrita a été nommé au poste de ministre de l’Intérieur alors que son épouse Ana Paula Vitorino siégeait au conseil des ministres depuis fin 2015 avec le portefeuille des Affaires de la mer. Mais la polémique n’a éclaté que lorsque les médias locaux ont révélé ces derniers jours d’autres liens de parenté entre membres du gouvernement ou des différents cabinets ministériels. La femme du nouveau ministre aux Infrastructures et au Logement a par exemple été nommée chef de cabinet de son successeur au poste de secrétaire d’État aux Affaires parlementaires.
Le chef de l’opposition de centre-droit, Rui Rio, a taxé cette « avalanche de cas » de « tiers-mondiste » et appelé les électeurs à apporter leur « sanction politique » lors des rendez-vous électoraux de cette année. Après les élections européennes fin mai, les Portugais seront de nouveau appelés aux urnes le 6 octobre pour élire leur Parlement. Le Parti socialiste d’Antionio Costa, arrivé au pouvoir grâce à une alliance inédite avec la gauche radicale, caracole en tête des sondages mais ne devrait pas être en mesure d’obtenir une majorité absolue à lui tout seul.
L’ascenseur social en panne
« Le gouvernement a été pris à contre-pied sur un sujet où il est clairement vulnérable, car ces pratiques sont perçues par l’opinion publique comme du clientélisme », a commenté le politologue Antonio Costa Pinto. « Comme nous sommes en période pré-électorale, l’opposition veut profiter d’un thème qui en soi n’est pas nouveau. C’est un des traits de la vie politique portugaise que d’être extrêmement élitiste », a ajouté le chercheur de l’Université de Lisbonne.
« Tout cela donne une mauvaise image des politiciens alors que les Portugais leur font déjà très peu confiance », a souligné son collègue Luis de Sousa à la télévision SIC. « Les intérêts particuliers peuvent se heurter à l’intérêt général, donc bien sûr que cela nous inquiète », a souligné cet ancien président de l’antenne portugaise de l’ONG Transparency International.
L’image d’une élite politique est d’autant plus malvenue que l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) s’interroge sur une éventuelle panne de l’ascenseur social au Portugal. Dans une étude publiée en juin 2018, elle concluait que « les enfants de cadres ont cinq fois plus de chances de devenir cadres eux-mêmes que les enfants de travailleurs manuels, soit un ratio beaucoup plus élevé que la moyenne des pays de l’OCDE ». Inversement, 55% des fils d’ouvrier deviennent eux aussi des travailleurs manuels, contre 37% en moyenne.
LQ/AFP