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Nouveau pic de marée haute attendu à Venise, la place Saint-Marc fermée


À l'image de ce carabineri, c'est tout Venise qui a actuellement les pieds dans l'eau. (Photo : AFP)

Venise devait connaître un nouveau et périlleux pic de marée haute vendredi, trois jours après avoir été dévastée par des inondations record qui ont conduit le gouvernement italien à décréter l’état d’urgence pour catastrophe naturelle dans la Cité des Doges.

À la mi-journée, le maire de Venise, Luigi Brugnaro, a ordonné la fermeture de la célèbre place Saint-Marc. «Je suis dans l’obligation de fermer la place Saint-Marc pour épargner aux citoyens de Venise tout risque sanitaire, un désastre», a affirmé le maire. Mardi soir, la ville a connu sa pire marée haute en 53 ans. L’eau a envahi les églises, commerces, musées et hôtels de ce joyau classé au patrimoine mondial.

Les 50 000 habitants du centre historique ont profité jeudi d’une embellie pour tenter de faire sécher leurs logements ou le contenu de leurs échoppes. La marée haute du matin a été plutôt modérée, atteignant 1,13 m (à 10h30), loin des 1,87 m de mardi soir, le deuxième record historique derrière celui du 4 novembre 1966 (1,94 m). Grâce à ce répit, l’humeur était plutôt joyeuse, les touristes s’amusant à sillonner l’immense place Saint-Marc chaussés de bottes en plastique orange, bleues ou jaunes, ou à siroter un café les pieds dans l’eau dans les quelques bars ou restaurants ouverts.

La Sérénissime, le surnom de cette cité lacustre, reçoit 36 millions de touristes par an dont 90 % d’étrangers. Pour Manon Gaudre, voir Venise sous les eaux est «une expérience unique», mais cette touriste française de 22 ans s’inquiète des «dégâts aux monuments et aux personnes». La basilique Saint-Marc ou le théâtre de la Fenice ont en effet été la proie d’une eau boueuse et salée venue de la lagune.

Cornelia Litschauer, une Autrichienne de 28 ans, son chihuahua blanc Pablo dans les bras, juge aussi la situation «étrange: les touristes prennent des photos, mais la ville souffre». Des hôtels, dont la Locanda Al Leon, commencent à déplorer des annulations pour les fêtes de fin d’année.

L’état d’urgence décrété

Après une réunion de crise à la préfecture, le Premier ministre Giuseppe Conte a parcouru jeudi les canaux qui ont rendu Venise célèbre dans le monde entier, pour réconforter les commerçants, nombreux à garder portes closes, comme les musées et les écoles. «Le cabinet a approuvé l’état d’urgence à Venise», a écrit en début de soirée Giuseppe Conte dans un tweet, ajoutant que 20 millions d’euros allaient être débloqués «pour les interventions les plus urgentes».

Cette procédure, souvent utilisée dans une Italie régulièrement frappée par des désastres (séismes, éruptions volcaniques et glissements de terrain), dote le gouvernement de «pouvoirs et moyens exceptionnels». Les dégâts, d’ores et déjà chiffrés à «des centaines de millions d’euros», devront donner lieu à des évaluations précises mais, en attendant, le décret permettra «immédiatement» de verser «5 000 euros pour les particuliers et 20 000 euros pour les commerces», selon Giuseppe Conte.

Un comité spécial sur Venise se réunira aussi le 26 novembre pour «discuter de la gestion générale des problèmes», dont un plan de contournement du centre historique pour les paquebots de croisière et le mégaprojet Moïse de digues censées protéger la lagune. Les responsables politiques affluent au chevet de la Sérénissime : l’ancien Premier ministre Silvio Berlusconi y est venu jeudi, l’ex-ministre de l’Intérieur de la Ligue (extrême droite) Matteo Salvini devrait s’y déplacer vendredi. Indifférents à ce ballet, les Vénitiens se réorganisent. «Je vis de ça, que puis-je faire d’autre ?», explique Stefano Gabbanotto, 54 ans, en ouvrant près du Palais ducal son kiosque à journaux.

Plus de 400 interventions des pompiers

Pour Jay Wong, 34 ans, et sa fiancée Sabrina Lee, leur voyage à Venise s’est transformé en «une aventure» et «une bonne expérience». Multipliant photos et vidéos de sa promise en robe de mariée, Jay souligne que «le séjour était planifié depuis longtemps, nous n’aurions pas pu le changer». Comme la plupart des visiteurs, ils sont peu au fait du risque d’engloutissement que court la ville, bâtie sur 118 îles et îlots en majorité artificiels et sur pilotis. Elle s’est enfoncée de 30 cm dans la mer Adriatique en un siècle. Pour le ministre de l’Environnement Sergio Costa, la fragilité de Venise s’est accrue en raison de la «tropicalisation» de la météo, avec d’intenses précipitations et de fortes rafales de vent, liée au réchauffement climatique.

Les écologistes montrent aussi du doigt l’expansion du grand port industriel de Marghera, situé en face sur la terre ferme, et le défilé des bateaux de croisière géants. L’«acqua alta» record de mardi a submergé 80 % de la cité, provoqué la mort d’un septuagénaire, renversé des gondoles et des vaporetti (autobus fluviaux) et entraîné plus de 400 interventions des pompiers. De nombreux responsables dont le maire de Venise, Luigi Brugnaro, ont appelé à mettre en service «au plus vite» le projet de digues MOSE (Moïse en italien, acronyme de Module expérimental électromécanique). «Cet ouvrage d’ingénierie va finir par coûter six milliards d’euros, il faut le faire fonctionner», a estimé la ministre des Infrastructures Paola de Micheli.

Lancé en 2003 et retardé par des malfaçons et des enquêtes pour corruption, Moïse s’appuie sur 78 digues flottantes qui se relèvent et barrent l’accès à la lagune en cas de montée des eaux de l’Adriatique jusqu’à trois mètres de hauteur. De récents tests ont permis d’identifier des vibrations et de la rouille mais, selon Giuseppe Conte, il est «prêt à 93 %» et sera «achevé au printemps 2021».

AFP