Emmanuel Macron a décliné une batterie de propositions pour l’UE, de la remise à plat de Schengen à la création d’une banque pour le climat, à moins de trois mois des élections, dans une tribune diffusée dans les 28 pays membres et adressée aux citoyens du continent.
Ce n’est pas encore une entrée en campagne mais une « impulsion » ou une façon de « planter le décor » avant le scrutin du 26 mai, assure-t-on à l’Élysée. Néanmoins, en publiant largement un texte aux allures de programme, Emmanuel Macron, dont le parti La République en marche est au coude-à-coude avec le Rassemblement national (RN) dans les intentions de vote, entre de plain-pied dans la bataille électorale européenne.
La tribune, intitulée « Pour une renaissance européenne », est articulée autour de trois thèmes qui font d’ailleurs écho à sa propre campagne présidentielle de 2017 (liberté, protection et progrès). Dans un contexte troublé par le Brexit et « le repli nationaliste », « il y a urgence », car « jamais l’Europe n’a été autant en danger », plaide le chef de l’État dans cette tribune diffusée auprès de prestigieux quotidiens européens comme The Guardian (Royaume-Uni), Die Welt (Allemagne), El Pais (Espagne) ou encore le Corriere della Serra (Italie).
Pointant le risque du « statu quo », Emmanuel Macron déroule donc un ensemble de propositions, parmi lesquelles la mise en place d’une « Conférence pour l’Europe » d’ici la fin de l’année. À l’image du grand débat en France destiné à trouver une issue à la crise des « gilets jaunes », Emmanuel Macron veut y réunir citoyens, universitaires ou encore partenaires sociaux pour définir une nouvelle feuille de route pour l’Union, « sans tabou, pas même la révision des traités ».
Ingérences extérieures dans les démocraties européennes
Au registre de la défense des libertés, et sans nommer la Russie, Emmanuel Macron s’inquiète des ingérences extérieures dans les démocraties européennes et à ce titre veut « interdire le financement des partis politiques européens par des puissances étrangères ». Il envisage également la création d’une « Agence européenne de protection des démocraties », visant à protéger les élections « contre les cyberattaques et les manipulations ».
Le président français reprend également des pistes déjà tracées lors de ses précédents discours, comme celui prononcé à La Sorbonne en septembre 2017, peu de temps après son accession au pouvoir. Le chef de l’État remet ainsi sur la table l’idée d’un office européen de l’asile et d’une police des frontières commune, plaidant plus généralement pour la « remise à plat de l’espace Schengen » L’immigration devrait être, de loin, le thème principal de la prochaine élection selon l’indicateur Eurobaromètre du Parlement européen.
Pour un salaire minimum européen
Emmanuel Macron évoque de nouveau la mise en place d’un « salaire minimum européen ». « L’Europe (…) doit instaurer (…) un bouclier social garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail », a-t-il également insisté.
Après le veto mis par Bruxelles au projet de fusion Siemens-Alstom, jugé non conforme aux règles de la concurrence, Emmanuel Macron souhaite désormais « assumer (…) une préférence européenne, comme le font nos concurrents américains ou chinois ». « Nous devons réformer notre politique de concurrence, refonder notre politique commerciale », martèle-t-il encore.
Le chef de l’État a également mentionné la nécessaire régulation des géants du numérique, alors qu’une taxe sur le chiffre d’affaires des GAFA est dans les tuyaux en France. Il faut créer « une supervision européenne des grandes plateformes », a exhorté Emmanuel Macron en évoquant l’accélération des sanctions en cas d’atteinte à la concurrence ou la transparence des algorithmes.
Une banque européenne du climat
Enfin, le président français a lancé la piste d’une « banque européenne du climat », portée par le climatologue Jean Jouzel et l’économiste Pierre Larrouturou, afin de financer la transition écologique du continent. Il fixe deux ambitions: « zéro carbone en 2050, division par deux des pesticides en 2025 ».
Tout au long de sa tribune, le président prend aussi soin à ne pas fermer la porte au Royaume-Uni, englué dans un Brexit qualifié « d’impasse », mais qu’il veut associer à un « Conseil de sécurité européen » dans le cadre d’un « traité de défense » européen.
Il se permet de donner «des leçons à l’Europe»
Le Premier ministre libéral belge, Charles Michel, a immédiatement twitté son soutien au texte « pour une Europe plus efficace et plus citoyenne ». De même pour l’ex-Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, pourtant figure du parti d’opposition Les Républicains (LR) de Laurent Wauquiez, qui a estimé que le projet du président était « le plus abouti ».
Gilles Platret, porte-parole LR, a dénoncé un président qui « a provoqué la grande colère du peuple » français et qui se permet de donner « des leçons à l’Europe ». Emmanuel Macron « est totalement tout seul sur son projet d’Europe fédérale à l’heure où tous les peuples veulent plus de souveraineté nationale », a estimé Jordan Bardella, tête de liste RN aux Européennes. À gauche, son homologue insoumise Manon Aubry dénonce un texte qui revient à dire : « C’est moi ou le chaos ». La tête de liste communiste Ian Brossat a ironisé : « Qui peut croire qu’un président qui nous précarise en France va nous protéger en Europe ? »
AFP