Les militants du Mouvement 5 Étoiles (M5S, antisystème) sont appelés lundi à se prononcer en ligne sur une procédure judiciaire visant le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini (Ligue, extrême droite), une décision qui provoque des remous dans la majorité.
Le vote en ligne organisé de 10h à 19h sur la plateforme « Rousseau » du M5S divise fortement la formation antisystème, alliée de Matteo Salvini au pouvoir, dont les dirigeants ont d’ores et déjà indiqué qu’elle pourrait aboutir à une crise gouvernementale en cas de vote défavorable au ministre de l’Intérieur.
Le tribunal des ministres (autorité compétente pour les membres du gouvernement) de Catane (sud) a engagé une procédure pour « séquestration de personnes » à l’encontre de Matteo Salvini, accusé d’avoir interdit pendant plusieurs jours le débarquement de 177 migrants secourus en août par le Diciotti, un navire des garde-côtes italiens. Les migrants avaient finalement été répartis dans plusieurs pays de l’UE.
Le M5S fracturé entre «purs et durs» et «réalistes»
La décision finale d’autoriser ou non la justice à poursuivre le ministre revient toutefois à une commission sénatoriale qui doit se réunir mardi, puis au Sénat dans son ensemble. Le choix du M5S de demander leur avis à ses adhérents, avant ces votes, fracture le mouvement antisystème – fondé sur les principes de transparence, de probité et de démocratie participative – entre les « purs et durs » qui considèrent que rien ne doit faire obstacle à la justice, et les « réalistes » qui estiment que Matteo Salvini doit éviter ce procès, sous peine de voir la coalition gouvernementale éclater.
La polémique sur ce dossier a enflé dans les rangs du pouvoir au point de pousser le chef du gouvernement, Giuseppe Conte, lui-même, son vice-Premier ministre Luigi Di Maio et le ministre des Transports (tous trois représentants du M5S) à se joindre à la procédure judiciaire, solidairement à Matteo Salvini.
Sur sa plateforme « Rousseau », la question est ainsi formulée : « Le retard du débarquement du navire Diciotti pour redistribuer les migrants dans divers pays européens a-t-il été pris pour sauvegarder un intérêt de l’État? ». Les votants sont appelés à répondre par un « oui », qui impliquerait que le ministre de l’Intérieur ne doit pas être poursuivi, ou un « non » qui impliquerait le contraire.
Matteo Salvini, qui a le vent en poupe, assure que l’exécutif ne tombera pas
Sur son blog, le M5S, toujours prompt à pourfendre les corrompus et ceux qui tentent d’échapper à la justice, a tenté de justifier cet appel à ses sympathisants, dans le but d’éviter à un ministre les foudres de la loi. « Le cas est différent », car en l’occurrence il ne s’agit pas « de pots-de-vin, d’escroquerie ou de marchés truqués » mais d’un ministre qui a agi « dans l’exercice de sa fonction et non pour des actes commis dans son intérêt privé et personnel », selon ce blog.
Cela n’a pas empêché l’opposition de gauche de dénoncer ce vote en ligne comme une « une bouffonnerie », la droite de Silvio Berlusconi le qualifiant de « moquerie ». Le comique et fondateur du M5S Beppe Grillo a lui-même ironisé sur Twitter résumant la consultation interne dont il juge la formulation alambiquée par « Si tu votes ‘oui’, ça veut dire ‘non’ et si tu votes ‘non’ ça veut dire ‘oui' ».
Quant à Matteo Salvini, dont le parti caracole dans les sondages avec 32% d’opinions favorables, il s’est dit « très tranquille » dimanche assurant son partenaire de gouvernement, qu’il distance désormais de plus de 10 points, que l’exécutif ne tombera pas parce qu’il a « donné (sa) parole ».
AFP