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Grande-Bretagne : Theresa May perd sa majorité absolue avant la négociation du Brexit


La Première ministre britannique Theresa May quitte le QG du Parti conservateur à Londres le 9 juin 2017. (Photo : AFP)

La Première ministre conservatrice Theresa May était pressée de démissionner vendredi, après la perte par son parti conservateur de la majorité absolue au Parlement britannique, un résultat qui plonge le pays dans l’incertitude avant l’ouverture des négociations du Brexit.

May C’est un échec personnel pour Mme May, qui avait convoqué ces élections législatives anticipées en comptant en obtenir une majorité renforcée pour négocier la sortie de l’Union européenne. Les conservateurs sont en tête du scrutin mais ont perdu une douzaine de sièges, tandis que l’opposition travailliste en a gagné une petite trentaine, selon ces résultats quasi définitifs au terme desquels les Tories ne peuvent plus obtenir de majorité absolue.

Le taux de participation (68,72%) est le plus élevé pour des élections législatives depuis 1997. Theresa May, qui disposait d’une majorité de 17 sièges dans le Parlement sortant, espérait avoir les coudées franches pour négocier un Brexit «dur» avec les 27 à partir du 19 juin, un an après le référendum pour la sortie de l’UE. Mais les travaillistes de Jeremy Corbyn, tenant de l’aile gauche, ont contrarié ces plans au terme d’une campagne réussie. Largement réélu dans sa circonscription d’Islington, au nord de Londres, il a immédiatement appelé Mme May à la démission.

«Elle a perdu des sièges conservateurs, perdu des voix, perdu le soutien et la confiance. C’est assez pour qu’elle parte et laisse la place à un gouvernement vraiment représentatif», a déclaré le vétéran barbu de 68 ans. Au sein même des Tories, l’ancienne ministre Anna Soubry a estimé que la Première ministre devait envisager une démission, soulignant qu’elle se trouvait «dans une situation très difficile».

Theresa May, reconduite à Maidenhead (ouest), s’est contentée d’affirmer que «quels que soient les résultats», son parti «assurer(ait) la stabilité» dont «le pays a besoin». Elle doit s’exprimer à nouveau dans la matinée. Les médias britanniques affirmaient qu’elle ne devrait pas jeter l’éponge et tenter de former un gouvernement minoritaire, peut-être avec l’appui du parti nord-irlandais unioniste DUP.

Chute de la livre

La livre sterling, a immédiatement chuté à l’annonce des projections à 21h00, tant face à l’euro que face au dollar, et restait vendredi sous pression. La Bourse de Londres a quant à elle ouvert en hausse de 0,60%, les grandes multinationales cotées sur ce marché profitant de l’affaiblissement de la livre. Le commissaire européen français Pierre Moscovici a estimé que Theresa May avait «perdu son pari» et se trouvait «dans une situation moins simple». La Commission européenne «est prête, elle, à ouvrir les négociations», a-t-il réaffirmé.

Pour son homologue allemand, Günther Oettinger, Londres est désormais un partenaire «faible» et «mauvais» pour négocier le Brexit. A Paris, Le Premier ministre Edouard Philippe a jugé que ces résultats étaient «une forme de surprise» qui ne remettait cependant pas «en cause» le Brexit. Mike Finn, de l’université de Warwick, estime, lui, que le Royaume-Uni s’expose «à une période de coalition ou à de nouvelles élections». Résultat: «toute l’approche du Brexit est remise en question.»

A gauche, les indépendantistes écossais du SNP essuient de lourdes pertes, à 35 sièges contre 56 en 2015. Leur numéro 2, Angus Robertson, ainsi que leur ancien leader, Alex Salmond, sont battus. Ce net recul est «une très mauvaise nouvelle» pour «sa revendication d’un deuxième référendum» sur l’indépendance de l’Ecosse, a souligné Iain Begg, professeur à la LSE, à l’AFP. Les Libéraux-Démocrates, seul parti résolument europhile, gagnent 4 sièges à 12 mandats. Les Lib-Dem ont prévenu jeudi soir qu’il n’y aurait «pas de coalition. Pas d’accord» avec les autres partis. Le parti europhobe Ukip, qui s’effondre, perd son unique siège.

Campagne réussie de Corbyn

«Je suis tellement contente, c’est une véritable vengeance pour nous» se réjouissait Sarah Holmes, 26 ans, en fêtant le bon résultat du Labour dans un bar de Londres. Pour Angus en revanche, c’est «un bazar complet pour faire court». Cet électeur de 43 ans qui vote habituellement pour le Labour a choisi pour la première fois de voter conservateur parce qu’il «y a un besoin de stabilité à cause du Brexit».

Après les surprises du Brexit et de l’élection de Donald Trump, «c’est la leçon des deux dernières années», estime Brian Klaas, de la London School of Economics. «Les électeurs n’aiment pas qu’on prenne leur vote pour acquis». Theresa May avait convoqué le scrutin en avril, contrairement à ses propres engagements, en espérant surfer sur des sondages créditant son parti d’une avance de 20 points sur le Labour.

Mais M. Corbyn a mené une campagne dynamique, multipliant les meetings au contact des électeurs, proposant un programme résolument à gauche et exploitant plusieurs faux pas de Theresa May, notamment sur la protection sociale. Le Brexit a été paradoxalement éclipsé durant la campagne par les questions de la protection sociale et de la sécurité, dans ce pays frappé par trois attentats en moins de trois mois.

Le Quotidien/AFP